Vers une démocratisation du système international?
- Le Polémique
- 1 déc. 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 nov. 2024
Par Océane Mouton
Dans les rues des capitales du monde, de Paris à Pretoria, une vague de manifestations a récemment ébranlé les fondations de l'ordre mondial établi. Portées par des voix diverses, ces manifestations reflètent un sentiment croissant de désillusion et de frustration face aux politiques occidentales. En
particulier, la réaction face à la guerre israélo-palestinienne a mis en lumière des fissures profondes
dans la perception de la justice et de l'équité dans la diplomatie internationale. Ces manifestations, loin d'être de simples expressions de mécontentement, révèlent un changement sous-jacent dans l'attitude globale envers les puissances occidentales. En déchiffrant ces mouvements, on peut alors commencer à comprendre les contours d'un système international en voie de démocratisation.
Défis actuels et la contestation de l'Ordre Occidental
Cette onde de contestation trouve un écho similaire mais distinct en Afrique. Les récents coups d'État sur le continent, comme celui au Niger, ne sont pas seulement des crises isolées, mais interrogent sur l'héritage de la colonisation et la responsabilité occidentale dans l'instabilité actuelle sur le continent. Face à ces crises, l'Occident, et particulièrement la France, est appelé par de nombreuses ONG à reconsidérer son approche en Afrique, en privilégiant un soutien adapté aux structures institutionnelles et contextes spécifiques de chaque pays. L'évolution du conflit israélo-palestinien a conduit à une situation inédite où l'Occident, traditionnellement perçu comme le gardien des principes démocratiques, se retrouve désormais du côté des transgresseurs dans l'opinion internationale. Nombreux sont les États et les ONG qui ont souligné le rôle inhabituel de l’Occident dans des actes tels que des crimes de guerre et des violations des droits humains. Dans la lignée des remises en question, la Reine de Jordanie a exprimé une critique sévère en dénonçant le « silence assourdissant » de l'Occident face aux souffrances du peuple palestinien, rappelant le fossé grandissant avec le monde arabo-musulman. Au-delà des manifestations actuelles, un regard historique nous révèle que nous sommes témoins d'un changement systémique dans l'architecture même de l'ordre international.
Changements structurels dans l'Ordre Mondial
Le 23 septembre, à l'occasion de son discours à l'Assemblée des Nations Unies, Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a livré des propos frappants : « Un nouvel ordre mondial est en train de naître sous nos yeux ». Malgré le fait que l'intervention russe en Ukraine soit largement condamnée par la plupart des pays, cette affirmation a résonné avec force au sein de la communauté internationale, tant pour sa vérité apparente que pour les implications profondes qu'elle entraîne. Paul Kennedy, dans son ouvrage de 1987 The Rise and Fall of the Great Powers, avait anticipé ce changement dans l'ordre mondial, entraîné par le développement économique et technologique. Aujourd'hui, cette prédiction se matérialise avec la Chine, qui, bien qu'ayant rejoint l'OMC en 2001, est désormais en concurrence avec les États-Unis pour le statut de première puissance économique. La prédiction de Kennedy sur l'évolution économique mondiale soulève des interrogations sur la longévité des structures établies post-Seconde Guerre mondiale. Le système de Bretton Woods,
ancrant le dollar au coeur de l'économie internationale, doit maintenant faire face aux nouvelles réalités économiques dominées par l'émergence de nouveaux acteurs économiques puissants.
L’avènement de la multipolarité
Parmi ces derniers, les BRICS, désormais renforcés par l'intégration récente de l'Arabie Saoudite et des Émirats-Arabes-Unis, forment un mouvement de dé-dollarisation, par l’utilisation de leur propre monnaie lors des échanges bilatéraux. Cet élargissement remarquable marque une ère de multipolarité économique croissante, soulignant le rôle des nations émergentes dans l'économie globale. Le concept de « Sud Global » gagne également en pertinence. Cette terminologie, qui englobe des nations autrefois étiquetées comme faisant partie du « tiers-monde », reflète une identité collective émergeante en se détachant de leur passé colonial commun. Ces pays, autrefois spectateurs de l'ordre mondial, se positionnent aujourd'hui comme des acteurs qui tentent de plus en plus d’influencer significativement l'échiquier international. Un nouveau pacte international, soumis pour approbation au Conseil des droits de l'Homme, cherche à faire du droit au développement un principe juridique équivalent aux droits humains. Cette démarche pourrait améliorer la responsabilisation des gouvernements et des organisations internationales en matière de développement, en s'assurant qu'ils respectent et promeuvent activement celui-ci. Cette notion, visant à équilibrer la croissance économique avec la justice sociale et environnementale, pourrait redéfinir les principes de la coopération internationale et de la gouvernance mondiale pour mieux répondre aux aspirations et aux besoins du Sud Global dans la préservation de leur environnement.
L’évolution vers une participation plus inclusive dans l'ordre mondial est indéniable et promet une gouvernance internationale plus équitable et efficace. Toutefois, cette progression est confrontée à des défis majeurs, notamment les dynamiques politiques internes des pays, comme l'illustre le retrait prématuré de l'Argentine des BRICS suite à l’élection de Javier Mileil. Ainsi, la bonne volonté et la coopération sincère des gouvernements sont essentielles à l’harmonisation des intérêts nationaux avec les impératifs globaux. Cette démocratisation du système international, bien qu'elle présente des avantages, soulève des questions critiques. L'influence grandissante de puissances comme la Russie et la Chine, malgré leur rôle de mobilisateurs, suggère une forme d'impérialisme économique. Leur stratégie de création de dépendances économiques chez d'autres nations pourrait menacer l'équilibre d'un ordre mondial plus démocratique.
Crédit photo: Frédéric Charmeux
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