Vers une alternative stratégique : le Canada mise sur l’UE
- Le Polémique
- 24 févr.
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Par Martin Ladd

Face à une administration américaine imprévisible et protectionniste, le Canada et l’Union européenne intensifient leur rapprochement stratégique. Entre ripostes commerciales aux tarifs douaniers de Donald Trump, expansion du CETA et coopération en sécurité et innovation, ce partenariat cherche à répondre aux tensions croissantes avec les États-Unis tout en surmontant des défis persistants.
Les événements de ces dernières semaines ont marqué une fracture dans le bloc occidental. Les menaces de tarifs douaniers du Président américain D. Trump, la critique des démocraties européennes par son vice-président, ou les multiples menaces d’annexion ont profondément secoué les alliés du géant américain. Face à une administration américaine imprévisible et hostile, le Canada et l’Union européenne (UE) ont décidé d’accélérer leur rapprochement stratégique. Comment leur relation pourrait-elle donc évoluer dans le contexte des tensions avec les États-Unis ?
Coordination face au protectionnisme américain
Les tarifs douaniers de 25 % imposés par Trump le 1ᵉʳ février 2025 ont provoqué une réponse des deux parties. Le Canada a répliqué par des mesures symétriques sur 155 milliards de dollars de produits américains, incluant une taxe de 50 % sur les véhicules électriques Tesla. L’UE prépare des contre-mesures ciblées (whisky, cosmétiques, jus d’orange) et envisage d’activer son Instrument anti-coercition (IAC) pour la première fois. Cet outil a pour but de lutter contre les menaces économiques et les restrictions commerciales injustes imposées par les pays tiers. La Colombie-Britannique et l’Ontario boycottent les produits de base des États républicains. Une tactique que Bruxelles pourrait imiter via des restrictions d’accès aux marchés publics. Malgré le retrait temporaire des tarifs américains et la mise en place de négociations, l’UE et le Canada renforcent leurs tentatives de diversification.
Consolidation et expansion du CETA
Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) de 2017, accord commercial bilatéral de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, sert de socle à cette réorientation. Les échanges de biens ont bondi de 66 % depuis son adoption, atteignant 126,5 milliards $CA en 2023. Lors du sommet du 12 février 2025, les deux parties ont annoncé l’approfondissement de projets préexistants et la création de nouveaux. Parmi eux, une extension de l’accord aux minéraux critiques (lithium, cobalt) et aux technologies propres. Une réponse aux besoins européens en matériaux de transition énergétique. Dans le contexte du Sommet pour l’Action sur l’Intelligence artificielle qui a lieu à Paris au début du mois de février, la création d’un Partenariat numérique visant à harmoniser les régulations sur l’IA et les données avec un fonds commun de 2 milliards d’euros a également été annoncée. Enfin, la simplification des règles d’origine pour contourner les restrictions américaines sur les composants "made in China" a fait partie de l’annonce.
Intégration stratégique accrue
Au-delà du commerce, la coopération canado-européenne touche désormais une diversité de domaines. En termes de sécurité militaire, la participation canadienne au projet Military Mobility de l’UE pour le déploiement rapide de troupes en Europe a marqué un pas dans la direction d’une coopération stratégique. La souveraineté technologique a aussi été sujette à discussion avec une collaboration dans les semi-conducteurs et l’intelligence artificielle, avec des laboratoires communs à Montréal et Munich. En matière de résilience énergétique, un accord sur l’hydrogène vert canadien pour réduire la dépendance au gaz russe a été discuté.
Défis et limites du pivot
Malgré ces avancées, plusieurs obstacles persistent. La dépendance commerciale historique (65 % des exportations canadiennes vers les États-Unis) limite la diversification rapide. Les désaccords sur les subventions agricoles et les normes sanitaires freinent l’approfondissement du CETA. Des tentatives d’accords entre le Canada et l’UE avaient déjà fait l’objet de débats en raison de ces blocages réglementaires. L’instabilité politique en Europe, avec la montée de partis d’extrême droite comme l’AfD en Allemagne, pourrait également fragiliser la cohésion transatlantique.
Ce rapprochement marque un tournant dans la politique étrangère canadienne, passant d’une relation bilatérale asymétrique avec les États-Unis à un réseau d’alliances pluraliste. Si l’adhésion du Canada à l’UE reste improbable, l’évolution vers un partenariat privilégié intégrant défense et innovation semble désormais plausible. Ceci, à condition que les deux parties investissent dans des institutions de gouvernance communes capables de surpasser les aléas politiques.
Sources :