Vers la fin de la pollution plastique ?
- Le Polémique
- 1 déc. 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 nov. 2024
Par Lola Christophe
Le 13 novembre 2023, Nairobi, la capitale du Kenya, a accueilli les délégations de 175 pays pour une semaine au cours de laquelle elles ont tenté de parvenir à un consensus sur un projet de traité visant à lutter contre la prolifération des déchets plastiques. Face à la croissance exponentielle de la production de plastique, l'enjeu des négociations était crucial, notamment pour l'environnement.
Établir un traité juridiquement contraignant
Du 13 au 19 novembre 2023, s’est ainsi tenu à Nairobi, au siège du programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), un sommet ayant vocation à définir un traité international pour lutter contre la pollution plastique.
Il s’agissait de la troisième étape d’un processus qui a débuté en février 2022, à l’occasion de la cinquième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA 5.2). Lors de cette cinquième Assemblée, qui se tenait également dans la capitale kenyane, les ministres du monde entier s’étaient réunis pour engager des discussions et négociations autour du thème « Renforcer les actions en faveur de la nature pour atteindre les objectifs du développement durable ». C’est ainsi que le 2 mars 2022 a été adoptée une résolution historique visant à élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique. Portée par le Pérou ainsi que le Rwanda, et soutenue par une soixantaine d’États, elle prévoyait l’établissement d’un Comité Intergouvernemental de négociations (CIN) en vue d’adopter cet accord contraignant d’ici à 2024.
Afin d’établir un traité à la hauteur de ses ambitions et d’établir un accord global, cinq sessions de négociations avaient été programmés jusqu’à fin 2024 par l’ONU. La première a eu lieu à Punta del Este en Uruguay, la deuxième à Paris en France, la troisième s’est donc déroulée à Nairobi, et la prochaine aura lieu en avril 2024 à Ottawa au Canada, pour finalement se conclure en Corée du Sud, fin 2024.
L’enjeu est de taille : mettre fin à la pollution plastique par l’élaboration d’un traité international juridiquement contraignant constituerait un accord multilatéral d’une importance majeure, surpassant l’envergure de l’Accord de Paris sur le climat.
Une urgence vitale pour l’environnement
Alors que 460 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, dont les deux tiers sont jetés, l’impact de la pollution plastique sur l’environnement est sans précédent. De deux millions de tonnes en 1950 à plus de 460 millions aujourd’hui, le plastique est donc omniprésent dans nos vies : dans les emballages, dans les fibres de nos vêtements, dans les moyens de transports que nous utilisons…
Si aucune mesure suffisante n’est prise, la production de plastique sera amenée à doubler au cours des vingt prochaines années et pourrait atteindre 1,2 million de tonnes en 2060. Aussi, la production du plastique à partir de combustibles fossiles contribue fortement à l’aggravation de la crise climatique, et engendre à peu près autant d’émissions de gaz à effet de serre que le secteur de l’aviation. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2019, c’était 3,4% des émissions mondiales que représentait la pollution plastique. D’ici à 2040, c’est jusqu’à 19% des émissions mondiales de gaz à effet de serre qu’elle pourrait générer selon le PNUE.
Une lueur d’espoir persiste
La pollution plastique pourrait être réduite de 80 % d’ici à 2040 selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement. Des changements profonds peuvent avoir lieu si les pays et entreprises agissent suffisamment en conséquence. Le rapport ajoute que le passage à une économie circulaire permettrait également de « réduire de 55% la production de plastique vierge, de faire économiser 70 milliards de dollars aux gouvernements d’ici à 2040, de réduire de 25% les émissions de gaz à effet de serre et de créer 700 000 emplois supplémentaires, principalement dans les pays du Sud ».
La troisième réunion du CIN s’est achevée sans aucune avancée concrète : les États membres ne sont pas parvenus à un consensus sur les travaux d’intersessions en vue des prochaines négociations. Si la session s’est soldée par un résultat plutôt décevant et que plusieurs parties ne s'entendent pas sur le fond du traité — notamment les lobbies des industries plastiques qui militent en faveur du recyclage —, elles s’accordent toutefois sur la nécessité d’un traité. Ainsi, si des divergences persistent, l’émergence d’un traité ambitieux et contraignant, prenant en considération l’entièreté du cycle de vie du plastique, gagne du terrain.
À la fin de la semaine, le PNUE s'est tout de même félicité des « progrès substantiels réalisés grâce à la présence de près de 2000 délégués ». Il précise que les délégations ont davantage partagé leurs idées et perspectives, jetant les bases d’une meilleure collaboration future et d’initiatives conjointes lors des prochaines négociations. De plus, un large consensus existe entre plusieurs pays et ONG qui plaident pour des règles plus strictes. Les différentes parties sont conscientes de la nécessité d’agir. À l’issue de la session, une soixantaine de pays ont d’ailleurs exprimé leurs inquiétudes et ont appelé « à des dispositions contraignantes dans le traité » afin de réduire la consommation et la production de plastique.
Un traité qui promeut une production et une consommation durable des plastiques, qui favorise une gestion écologique des déchets grâce à l’économie circulaire semble toujours être possible. Ainsi, les États membres ont toujours la possibilité de parvenir à la conclusion d’un des accords environnementaux les plus cruciaux d’ici à la fin de 2024, à condition, toutefois, de s’en donner les moyens lors des prochaines sessions de négociations.
Crédit photo : Zuma/ ABACA (journal l’Humanité)
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