Par Séverine Cossette
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Crédit photo : Christinne Muschi/La Presse Canadienne
Le samedi 15 février dernier avait lieu l’affrontement entre le Canada et les États-Unis dans le cadre de la Confrontation des 4 Nations, une compétition de hockey sur glace entre la Finlande, la Suède, les États-Unis et le Canada. Cette rencontre a été, à mes yeux, une démonstration sur glace de la politique canado-américaine.
Déjà, les 20 premières minutes ont été marquées par trois combats, tous initiés par des joueurs américains. Les coups d’épaule ont aussi été fréquents lors du match, témoignant, je crois, d’une amertume générale des États-Unis vis-à-vis le Canada (une amertume présente depuis des décennies entre les deux clubs). Mais ce qui a réellement retenu mon attention s’est déroulé avant toute cette violence : les hymnes nationaux. Le Centre-Bell a vibré sur l’air du « Ô Canada ! ». Le moment a été re-publié à maintes reprises sur les réseaux sociaux, entre autres par le premier ministre démissionnaire, Justin Trudeau. Pour la première fois, l’hymne canadien m’a donné des frissons.
Cette cérémonie, vue comme un moment banal, s’est transformée en un moment symboliquement très puissant. En chœur, les spectateurs ont montré à l’adversaire américain leur unicité face aux troubles politiques. C’est l’un de ces précieux moments de nationalisme enflammé, lorsqu’un symbole national dit « banal » prend une tout autre importance et ravive une émotion ou une fierté du « nous » (Billig, 1995).
Avec ce nationalisme canadien, cherchant à unir ses forces contre l’ennemi américain, je me demandais : qu’en était-il de la question du souverainisme québécois ?
La place du souverainisme québécois
Depuis quelques semaines et plus précisément depuis l’annonce des menaces tarifaires des États-Unis, le vent a tourné.
Au niveau fédéral, les sondages Léger du 5 janvier 2025 annonçaient que l’opposition officielle des Conservateurs serait le Bloc Québécois, avec 45 sièges. Ce qui était définitivement une bonne nouvelle pour le Québec : une meilleure représentation des valeurs et préoccupations de la province. De plus, la projection annonçait une dégringolade du Parti Libéral, ne lui accordant que 35 sièges.
En date du 16 février, la réalité est tout autre, la firme Léger projette que les libéraux seront la prochaine opposition officielle avec 101 sièges. Certains commentateurs politiques évoquent la possibilité qu’avec Mark Carney à sa tête, le parti puisse reprendre le pouvoir lors des prochaines élections. En effet, si la tendance se maintient, le PLC aurait ses chances. Reste seulement à voir, le 9 mars prochain, qui sera le prochain chef du parti.
Donc, l’espoir de voir une opposition officielle québécoise s’efface petit à petit pour les élections de 2025.
Au niveau provincial, le Parti Libéral du Québec, frère du Parti Libéral du Canada, a gagné trois sièges depuis le 12 décembre. Le Parti Québécois, qui depuis plusieurs mois voyait qu’augmenter ses chances de gagner, a maintenant perdu 11 sièges dans les intentions de vote, passant de 75 à 64 sièges. La projection, qui lui prévoyait une majorité, ne lui promet désormais plus rien.
Définitivement, tout peut basculer du jour au lendemain.
L’hymne chanté à tue-tête - majoritairement par des Québécois - au Centre-Bell peut nous laisser croire à un frein à la montée du nationalisme québécois, se transformant en nationalisme canadien.
Il y a un mois, je croyais que la montée de la droite aux États-Unis et au Canada allait donner un coup de pouce à l’indépendantisme québécois. Cette opinion, je n’étais pas la seule à l’avoir. Le 15 novembre dernier, j’ai interrogé Paul St-Pierre Plamondon sur la question. Selon lui, la montée de la droite au Canada et aux États-Unis favoriserait le camp du « OUI » lors d’un éventuel référendum. Cependant, le chef péquiste a gardé ses réserves en affirmant que « c’est toujours une erreur en politique de sauter rapidement à des conclusions quand en fait on ne sait pas comment va se décliner ces nouveaux gouvernements ». Deux mois plus tard, ses sages paroles font plus sens que jamais.
Je crois que le chef a aussi mis à mal son parti en avouant, en janvier dernier, que « sur l’immigration, comme sur le fentanyl, je pense que les Américains ont raison. On a été des mauvais voisins ». Voulant protéger sa position vis-à-vis Ottawa, PSPP s’est vu sympathique avec Trump, ce que les Québécois n’ont pas apprécié. En appuyant le protectionnisme américain, le parti souverainiste saccage son plan économique d’un Québec indépendant, qui s’appuie sur un libre-échange nord-américain. Ainsi, l’option de l’indépendance peut paraître moins alléchante en ce moment de turbulences des relations économiques.
En ce moment, les Québécois, comme les Canadiens, souhaitent voir les gouvernements des différentes provinces travailler ensemble pour faire face à la menace américaine. Ce que PSPP semble juger irréaliste, en reprochant aux autres provinces de ne défendre que leurs propres intérêts. Sébastien Dallaire, vice-président exécutif de la firme Léger affirme « qu’essayer trop fort de blâmer le gouvernement en place pour ce qui se passe ne paraît pas très bien aux yeux des électeurs qui, en ce moment, ne souhaitent qu’une unité ».
En même temps, il est difficile d’imaginer un chef péquiste en accord avec Ottawa et les autres provinces.
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