Succession de Putschs en Afrique, une aubaine pour le Djihadisme ?
- Le Polémique
- 1 oct. 2023
- 4 min de lecture
Par Océane Mouton
Alors que la multiplication des putschs militaires en Afrique est au cœur du débat international, le djihadisme se profile dans la région du Sahel. Son ancrage au phénomène putschiste démontre une fragilité préexistante au sein des structures politiques sahéliennes en place qui ne cesse de s’agrandir depuis les vingt dernières années. Le djihadisme se nourrit par les crises sécuritaires vécues par les populations sur place. A contrario, l’arrivée des putschistes au pouvoir va entraîner une hausse de la précarité qui risque aussi de devenir un tremplin pour l’expansion des groupes djihadistes.
Dans les racines du putsch africain, la montée du Djihadisme et de l’insécurité.
Le 26 juillet, la junte militaire commanditée par le général Tchiani a dérobé le pouvoir au Niger en invoquant une « dégradation des problèmes sécuritaires ». Cette dégradation n’est pas singulière au Niger, mais est globale à la région sahélienne. Du Mali au Nigéria en passant par le Burkina Faso, cette détérioration est exploitée par le djihadisme dans leur aspiration à s’étendre. Le déclin de la situation se projette par la montée du terrorisme corrélée avec un contexte se trouvant de plus en plus ardu.
Les régions périphériques et reculées, étant peu administrées par les pouvoirs politiques, sont « des terrains fertiles à l’insurrection ». Face à l’inexistence d’un pouvoir décentralisé et donc à son inefficacité dans la restauration de la sérénité, le djihadisme a tout à gagner. La constante quête de sécurité par les populations dans l’espoir de repousser le banditisme et apaiser les tensions communautaires palliées à leur incapacité à acquérir cette stabilité par les canaux étatiques dresse souvent les groupes djihadistes comme les seuls candidats disponibles pour restaurer la sécurité. L’aptitude de ces groupes à obtenir le soutien populaire et à administrer le terrain forge une croissante méfiance du pouvoir traditionnel au sein de l’opinion publique. L’exemple d’AQMI et de ses groupes affiliés dans le nord du Mali atteste de la restauration de la sérénité en assurant des services publics efficaces ainsi que l’approvisionnement de l’alimentation rendu auparavant irréalisable.
L’expansion djihadiste du putsch.
Désireux de couper le dernier cordon du lien colonialiste avec la France tout en dénonçant son incapacité à gérer la crise terroriste, les trois juntes militaires du Mali, du Burkina Faso ainsi que du Niger ont successivement invité les militaires français, dans le cadre des missions antiterroristes « Sabre » et « Barkhane », à rentrer chez eux. Considéré comme un allié stratégique dans la lutte antiterroriste par l’Occident, essentiellement depuis les coups d’État au Mali et au Burkina Faso, le phénomène putschiste que connaît aujourd’hui le Niger rebat les nouvelles cartes d’une nouvelle guerre contre les djihadistes. En effet, après le redéploiement des soldats issus des opérations antiterroristes au Mali et au Burkina Faso vers le Niger, l’ensemble de l’effort était désormais tourné vers le Niger. Si les derniers rapports sur la situation au Niger concluaient certes à un nombre important d’incidents reliés au terrorisme, ceux-ci demeurent pour autant stables face aux situations critiques au Burkina Faso et au Mali. Selon le classement de l’Indice Mondial du terrorisme en 2023, le Burkina Faso se voit à la deuxième place du pays le plus touché au monde, le Mali à la quatrième et le Niger occupe la dixième place, un chiffre qui pourrait sûrement grandir.
Dans la zone des trois frontières, zone partagée par le Mali, le Niger et le Burkina Faso formant « l’épicentre » des violences terroristes au Sahel, les attaques djihadistes sont en recrudescence et la situation humanitaire critique. Ce foyer abrite d’incalculables affrontements opposant les djihadistes affiliés à l’État Islamique et ceux d’Al-Qaida. La fin de la présence étrangère dans la lutte contre ces groupes armés avantage les terroristes dans la planification et limite les forces d’actions des armées nationales. Le départ des forces onusiennes de la mission MUNISMA portera un coup au ravitaillement alimentaire et médical. Le déclin dans la sécurisation de l’approvisionnement aura des impacts irréversibles sur ces populations déjà affaiblies et alimentera la cause djihadiste. L’isolation de ces trois pays sur la scène internationale palliée à la limitation des libertés complexifie l’établissement de nouveaux rapports humanitaires et du travail journalistique, ces travaux qui sont essentiels pour établir des solutions en cas de crise humanitaire.
Parallèlement à cela, le groupe Wagner, nouvel acteur attractif dans la région, se hisse aux côtés de l’armée malienne et, demain probablement de l’armée nigérienne, dans une nouvelle lutte contre le terrorisme. Toutefois, de nombreux rapports alarment sur les crimes perpétrés par le groupe Wagner implanté au Mali. Le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme affirme qu’il y a de fortes indications qui démontrent que le massacre de Moura, où 500 civils ont été exécutés et 58 femmes agressées sexuellement, a été perpétré par les Forces Armées Maliennes en collaboration avec le groupe Wagner. Ces allégations sont en violation avec le droit international humanitaire, discréditent la junte militaire au pouvoir et ne cessent d’intensifier la distance entre le peuple et le pouvoir. Alors une nouvelle fois, l’instabilité politique et sociale dans laquelle les populations se situent les amènera à se tourner vers des organisations non étatiques qui pourront leur apporter la sécurité.
Il est donc à l’ordre du jour de se demander si une expansion du djihadisme dans des régions d’Afrique encore préservées par ces organisations pourrait voir naître à leur tour, une réaction politique semblable. Le problème djihadiste est l’un des défis sécuritaires et politiques les plus fondamentaux que l’Afrique aura à surmonter dans les années à venir.
Crédit Photo : AFP
Sources :
https://www.alternatives-economiques.fr/niger-djihadistes-ont-a-gagner-coup-
detat/00107758
https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/countries/mali/20230512-Moura-
Report.pdf#page8
https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2023-1-page-
e25.htm#s2n3
https://www.jeuneafrique.com/1428979/politique/le-burkina-faso-premier-pays-africain-
touche-par-le-terrorisme-en-2023/ chiffres sur l’indice mondial des pays les plus touchés
par le terrorisme
https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/lafrique-le-prochain-califat-la-spectaculaire-
expansion-du-djihadisme-entretien-avec-luis-ma
https://africacenter.org/spotlight/fatalities-from-militant-islamist-violence-in-africa-
surge-by-nearly-50-percent/
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/les-juntes-face-aux-
djihadistes-3527483