Se libérer de ses chaînes : la Françafrique n’est plus
- Le Polémique
- 1 oct. 2023
- 2 min de lecture
Par Bianca Lara-Maletto
Emmanuel Macron, François Hollande, Nicolas Sarkozy, tous ont publiquement rejeté la Françafrique au cours de leur mandat et ont plutôt misé sur des relations diplomatiques, voire amicales entre la France et les États africains. Toutefois, aucun de ces présidents n'ont voulu retirer les bases militaires françaises, le concept du Franc CFA, et bien d’autres héritages coloniaux, jusqu’à dimanche passé. Le 24 septembre dernier, Emmanuel Macron a annoncé le retrait des troupes militaires françaises du Niger. Cette décision politique montre un véritable changement dans les relations internationales entre le continent africain et la France, ancien empire colonial.
En trois ans, l’Afrique de l’Ouest a souffert huit coups d’États, des révoltes, de nombreux conflits internes, et peine à reprendre son souffle. En marge des incertitudes politiques au sein des pays concernés, l’intervention constante de la France soulève des questionnements auprès des populations. Ses influences économiques, socio-politiques et sécuritaires rappellent cette même emprise qu’elle avait sur l’Afrique avant et après les mouvements indépendantistes des années 1950 à 1960. Appuyant le gouvernement du Tchad, une dynastie illégitime, la France a perdu toute crédibilité en dénonçant les coups d’États comme étant antidémocratiques. Sachant que les coups d’États limiteront les commerces et les échanges diplomatiques avec eux, le gouvernement français n’a aucun intérêt à légitimiser ces prises de pouvoirs.
Les tendances interventionnistes françaises ont laissé place à un courant de pensée au cœur des idées des groupes révolutionnaires et de nombreux jeunes africains.es, le sentiment antifrançais. Certaines recherches et plusieurs discours populaires dénoncent cette relation « incestueuse » entre les États africains et la France. Dans les rues, des milliers de personnes se soulèvent et manifestent contre ces relations, qui perdurent depuis l’époque coloniale. Ce paternalisme « à peine déguisé », comme souligne Thomas Borrel, codirecteur de L’Empire ne veut pas mourir, alimente la colère et le désespoir des peuples africains. Jusqu’aujourd’hui, il est courant de dire que « la Françafrique, c’est du passé », mais le mécontentement des Africains.es et la réalité socio-politico-économique prouvent le contraire. Leur présence crée un espace hostile pour le développement des pays liés, ou même forcés à être liés à la France.
Auparavant réservé aux intellectuels.lles de gauche, le sentiment antifrançais s’est transformé en construction intellectuelle accessible à tous.tes voulant se joindre à la lutte. Comme le mentionne le balado Un "sentiment" antifrançais très construit sur RadioFrance, la jeunesse panafricaine, plus éduquée politiquement que les autres générations, s’insurge du néocolonialisme présent encore aujourd’hui.
La montée du sentiment antifrançais permet à certains acteurs d’obtenir du pouvoir, ou à d’autres, de se fondre dans la masse. Si les putschistes entretiennent des discours antifrançais pour gagner de la popularité politique, ceci s’avère être une technique extrêmement efficace. D’un autre côté, la présence russe en Afrique n’est plus au cœur des discours.
Maintenant, il reste à voir si le retrait des troupes françaises au Sahel aura un effet sur l’autodétermination des pays de l’Afrique de l’Ouest.
Crédit Photo : AFP
Sources :
Agence France-Presse. 2023. « L’Afrique a été secouée par huit coups d’État en trois ans. » Le Devoir, 31 août 2023. https://www.ledevoir.com/monde/afrique/797205/l-afrique-a-ete-secouee-par-huit-coups-d-etat-en-trois-ans
Bellanger, Anthony. 2023. « Un "sentiment" antifrançais très construit ». 1er août. Géopolitique. Baladodiffusion. 3 : 36. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-mardi-01-aout-2023-2172636
Sampson, Ximena. 2023. « Est-ce vraiment la fin de la Françafrique? ». Radio-Canada, 25 septembre 2023. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2012926/coups-d-etat-afrique-gabon-niger-francafrique-colonisation