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Quand le monde va mal, quoi de mieux que de blâmer les féministes

Dernière mise à jour : 24 févr.

Par Bianca Lara-Maletto


Crédit Photo : Carol Smiljan/NurPhoto via Getty Images


À l’aube du 6 décembre, ce jour si lourd en émotions et en prise de conscience collective, nous toustes avons le devoir de prendre un temps pour se pencher sur les mouvements masculinistes revenant en force au Canada. La radicalisation des jeunes hommes est en hausse à une vitesse inquiétante. Les hommes auraient donc davantage tendance à être conservateurs, alors que les femmes sont de plus en plus progressives dans les pays occidentaux. Si l’écart politique et culturel entre les genres se creuse de plus en plus, les enjeux mis de l’avant par les féministes sont criants, plus que jamais. 


La crise de la masculinité 


Désirant revenir aux rôles traditionnels des hommes et des femmes, les masculinistes renvoient beaucoup leurs discours à l’idée que le genre est biologique. Pour eux, l’homme doit pourvoir pour sa famille, doit être fort, doit être viril. Quant à la femme, elle demeure dans l’ombre, effacée du monde extérieur, invisible. Le masculinisme se propage rapidement par ce mécontentement de la société, et par le désespoir des hommes face à leur réalité. Cette théorie du complot se base sur l’idée que le passé était mieux pour les hommes, dans un monde où leurs voix étaient entendues et respectées. Convaincus que leur monde serait mieux sans les féministes, ils finissent toutefois par s’isoler, à avoir très peu confiance au monde qui les entoure, puis à dépendre d’eux-mêmes.   


Des influenceurs comme Andrew Tate jonglent entre l’importance de « protéger » les garçons des dangers du féminisme, et les inciter à être exigeants envers eux-mêmes, voire à encourager des comportements comme l’automutilation. Encore une fois, les masculinistes se contredisent dans leurs discours, puisqu’il est impossible de lutter pour la santé mentale des hommes tout en encourageant la virilité absolue et la gestion de leurs émotions en privé. En créant des espaces discriminatoires pour certains groupes d’hommes, homophobes ou transphobes, le mouvement ne peut être en mesure de défendre les hommes si des conditions sont requises pour être assez « hommes ». 


L’époque de « It’s 2015 », phrase dite par Justin Trudeau en réponse face aux questions des médias concernant son cabinet à moitié féminin, est maintenant loin derrière nous. Que ce soit l’élection de Donald Trump ou la présence de masculinistes sur la scène médiatique, les discours antiféministes ne sont plus à la marge. Autant sur les réseaux sociaux que dans les médias traditionnels, les propos deviennent de plus en plus violents, misogynes, homophobes et transphobes. À travers la banalisation de leurs propos, les masculinistes en viennent à légitimer des discours incitant à la violence à l’égard des femmes. « Fais pas ta bitch » dit par Louis Racicot, « Bang out the machete, boom in her face and grip her by the neck. Shut up bitch» dit par l’influenceur Andrew Tate, sont des exemples de propos renforçant la déshumanisation des corps féminins.


Discours anti-trans et droit de parole


Seulement en 2023, 510 projets de loi anti-LGBTQ2S+ ont été introduits aux États-Unis. Dans le cas du Canada, la rhétorique anti-trans se fait entendre à son tour. Des groupes comme 1 Million March for Children avec plus de 39 400 membres sur Facebook manifestent dans les rues contre l’éducation sexuelle et de genre. Au-delà de ce type de groupe créé dans le but de pathologiser les personnes trans, les politicien.ne.s se positionnent à leur tour. C’est d’ailleurs le cas de Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada, faisant valoir son idée que les femmes trans ne devraient pas avoir le droit d’être intégrées dans les espaces réservés aux « females », soit le sport, les vestiaires et les toilettes. 


Un des plus gros enjeux des positions politiques anti-trans est que le discours devient acceptable dans la société, et se transforme rapidement en discours violent. L’acceptabilité de ces propos favorise les groupes transphobes, homophobes et misogynes à tomber dans les théories du complot. Il y a une perte de confiance envers les médias et le gouvernement, et les discours de plusieurs membres du Parti conservateur, dont le chef, contribuent à cet acharnement sur les personnes LGBTQ2S+. Or, même si ces gens sont convaincus que les communautés « woke » contrôlent les organisations gouvernementales, les chiffres et les faits montrent que les personnes marginalisées par leur genre sont peu entendues au niveau institutionnel. 


Relevant d’injustices épistémiques, plusieurs communautés demeurent discréditées quand elles expliquent leurs expériences. Par exemple, la CAQ souhaite résoudre la question trans à l’aide d’un Conseil des Sages… dans lequel aucune personne trans n’en fait partie. Être considéré comme expert.e d’un tel enjeu demande à ce que le vécu des personnes directement impactées par les politiques soit un critère de validité en termes de connaissances. 


Le moment du backlash


Comme toute théorie du complot, celle-ci peut être déconstruite, mais cela demande une exposition à un langage violent. En pleine période de backlash, ce travail peut être ardu, mais nécessaire. Pour continuer les luttes féministes et queer, il faut demeurer vigilant, apprendre à déconstruire les discours haineux et violents des masculinistes, puis rester informé.



Sources :







Livre Le mouvement masculiniste au Québec par Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri


Documentaire Alphas par Simon Coutu


© 2021 Le Polémique

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