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Petit guide de survie pour les «wokes» de nos familles

Dernière mise à jour : 3 avr. 2023

« Comment répondre à ton oncle raciste et misogyne pendant les fêtes et à l’avenir? » : petit guide de survie pour les wokes de nos familles


PAR KALYA NZESSEU


Petits fours, dinde, chocolats et champagne… Temps des fêtes riment pour beaucoup d’entre nous avec repas en famille. Cependant, ce n’est pas toujours synonyme de cadeau. En effet, nous avons tous déjà été confrontés à des propos sexistes, racistes et homophobes prononcés autour de la table de fêtes. Or, en tant qu’étudiant en sciences politiques, vous êtes tentés de rentrer dans le débat, mais si vous le faîtes vous êtes un·e radical·e et « on ne peut vraiment plus rien dire avec vous ! ». Alors que faire ? Faut-il répondre à votre oncle misogyne, votre cousin homophobe ou votre grand-mère raciste ? Et si oui, comment ? Cet article propose quelques outils pour débattre aux mieux des questions de société lors d’un repas de famille, sans perdre un oncle ou une tante au passage.



Apporter des faits


Première situation classique : la personne qui nie les inégalités structurelles car elle n’en vit pas au quotidien, voir peut vous citer des exemples contraires. Vous avez surement déjà eu autour de la table un homme qui se vante d’en faire plus que sa femme à la maison ou bien une femme qui dit n’avoir jamais été victime de sexisme dans sa vie. C’est un biais courant de généraliser son expérience et de ne pas comprendre l’idée d’exception. Néanmoins, c’est une situation facile à déconstruire. Il ne faut surtout pas nier les perceptions de la personne ou remettre en cause son vécu, cependant c’est toujours bien d’avoir quelques chiffres en tête. Cela permet de démontrer l’ampleur du phénomène social que vous débattez en dehors du cas personnel. Vous pouvez aussi encourager la personne à discuter avec les potentiels membres de son entourage qui pourrait être concernés par la question. Parfois, les victimes ne parlent pas des violences qu’elles subissent et c’est pourquoi la personne ne voit pas forcément le problème autour d’elle. Par exemple, en interrogeant ses amies, ses collègues et toutes les femmes qui peuvent l’entourer, n’importe qui est capable de se rendre compte de l’ampleur du sexisme dans notre société. Si vous êtes proche de la personne, vous pouvez tenter de parler de votre vécu. C’est souvent un argument massue, car si la personne vous aime, elle sera plus sensible aux enjeux qui vous concerne.


Expliquer les concepts


Dans n’importe quelle discussion, il faut garder en tête que la personne d’en face n’a pas forcément de notions de sociologie ou de sciences politiques. Beaucoup de gens pensent qu’on peut débattre de sciences humaines sans réelles connaissances, contrairement aux sciences « dures » pour lesquelles les gens s’expriment en général avec plus de prudence. Beaucoup de malentendus peuvent émerger à cause des mots que l’on emploie. C’est pourquoi il est toujours bon d’expliciter les concepts qu’on utilise. Il ne faut pas oublier que les mots n’ont pas toujours le même sens dans le langage courant et dans le langage académique. Certains termes ont été vidés de leur sens dans les discours politiques et médiatiques. Pour ne donner que quelques exemples : communautarisme, féminisme, arabe/noir, woke, etc. sont des notions controversées qui ont un sens péjoratif pour beaucoup de personnes. Si jamais il y a un débat autour des mots, essayez de revenir à des choses pragmatiques. Ok, tu n’aimes pas le mot que j’utilise, tu préfères tel ou tel terme, mais qu’est-ce que tu fais concrètement pour lutter contre les discriminations ? Cherchez les points d’accord avec la personne d’en face.


Déconstruire les arguments essentialistes


Maintenant que vous êtes préparé à bien communiquer avec des chiffres et des définitions claires, on va voir comment répondre à l’argument : « c’est la nature !» ou son dérivé « les choses ont toujours été comme ça ! ». Il est agaçant celui-là, n’est-ce pas ? L’idée sous cet argument, c’est de ne pas remettre en question les inégalités sociales car si elles sont « naturelles », on ne peut pas les changer donc le débat est clos. Généralement, nous n’aimons pas que nos privilèges ou notre réalité puissent être remis en question. L’argument essentialiste est donc rassurant pour bon nombre de personnes. Néanmoins, c’est possible de le déconstruire en démontrant très simplement qu’il n’y a rien de naturel dans les questions sociales. Par exemple, les catégories « noir » et « blanc » ne sont là que pour simplifier la réalité. Personne n’est réellement de couleur « blanche ». On le sait tous depuis l’enfance puisqu’on prenait tous un feutre de couleur beige pour représenter la peau. De même, dans la catégorie « noir » on inclut autant Beyoncé, que Barack Obama, que la mannequin Alex Weck. Il n’y a aucune réalité physique là-dedans. Oui il y a des différences biologiques entre les hommes et les femmes qu’on ne peut pas nier, pour autant il n’a jamais été prouvé scientifiquement qu’avoir un utérus nous donne plus d’aptitudes aux tâches ménagères, c’est une construction sociale et historique, etc. Essayez de mettre à contribution toutes vos connaissances historiques et politiques pour mettre en valeur le non-sens de l’argument biologique. Avec un peu de créativité de votre part, une majorité de vos interlocuteurs peuvent comprendre en faisant A+B qu’il n’y a rien de naturel dans les inégalités sociales ! L’idée quand on glisse sur le terrain de la biologie, c’est de ne surtout pas rentrer dans cet argument et plutôt de discuter ce qu’on a fait socialement des faits biologiques. Exemple : ce n’est pas parce que tu possèdes un utérus que tu dois nécessairement le remplir avec des enfants ! Et surtout simplifier au maximum vos propos, si vous apportez des nuances que votre proche n’est pas encore prêt à comprendre, vous ne sortirez jamais de la discussion. Il faut parfois y aller étape par étape.


Sortir du débat pour le débat


Dernière situation classique : la personne qui aime débattre ou celle qui aime « l’humour noir ». Vous savez c’est le fameux « on ne peut plus rien dire ! » ou encore le « c’est de l’humour ! ». Déjà, il faut garder en tête qu’on a toujours le droit de dire quand quelque chose n’est pas drôle ou nous dérange, quitte à passer pour un·e rabat-joie pendant quelques minutes. Après tout, personne ne nous oblige à trouver tout le monde absolument drôle. On peut aussi demander à la personne d’expliquer sa blague. Généralement, le « pourquoi » met les gens face à l’absurdité des ressorts qu’ils emploient pour faire rire. D’autre part, pour faire face à la personne qui aime le débat pour le débat et qui cherche seulement à vous contredire, une bonne idée pourrait être de ramener une dimension humaine dans certains sujets. Il peut être bon de rappeler que derrière le sexisme, le racisme ou l’homophobie, il y a des gens qui meurent et que discuter de ces sujets en particulier n’est pas qu’un débat de cours de philo sur la liberté et la place des individus dans la société. On a toujours le droit d’éviter certaines questions, de le faire savoir et de préférer des sujets plus neutres.



Pour conclure, je dirais que rentrer dans le débat, même s’il devient conflictuel, n’est pas nécessairement un mal. Au contraire, nous sommes les mieux placés pour remettre en cause certaines opinions de nos proches, car avec les liens affectifs, ils peuvent être plus enclins à nous écouter. Néanmoins, on a toujours le choix de refuser une discussion si elle devient trop personnelle. Pour éviter de débattre soi-même, on peut également recommander des ressources à nos proches. Nous ne sommes pas toujours obligés « d’éduquer » tout le monde, et les gens peuvent aussi faire leurs propres recherches de leur côté s’ils souhaitent se déconstruire. Même le Prince Harry s’est exprimé sur les biais inconscients et le fait que ce n’était pas aux personnes marginalisées d’éduquer les personnes privilégiées, tandis qu’il vient de l’une des familles les plus traditionnelles qui existe. Alors plus aucune excuse !

Sources


Article inspiré par l’épisode 32 « Guide de survie aux fêtes de famille » du podcast Kiff ta race en crossover avec les podcasts Les Couilles sur la Table et Camille (Grâce Ly, Rokhaya Diallo, Camille Regache et Victoire Tuaillon, décembre 2019) et de mes repas de famille.


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