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Par Kalya Nzesseu
Toute la presse internationale en a parlé. L'arrivée de Gabriel Attal à Matignon, a fait couler beaucoup d'encre dans les médias européens et anglo-saxons, qui mettent en avant sa jeunesse et son orientation sexuelle, puisqu'il devient le premier Premier ministre français ouvertement homosexuel. Sa nomination est largement présentée comme un « nouveau souffle » pour le macronisme, ce qui n'est pas sans rappeler la nomination d'Élisabeth Borne en 2022, qui devenait la « première cheffe » du gouvernement français, 30 ans après Edith Cresson, ou bien encore la nomination de Pap Ndiaye au Ministère de l'éducation nationale, qui devait être une rupture « woke » avec l'ère Blanquer. Force est de constater que ces nominations « progressistes » cachent, dans les faits, un bilan très peu social.
Plusieurs associations LGBTQIA + ont salué la symbolique derrière la nomination de Gabriel Attal, mais ont également appelé à une politique exemplaire en matière d'égalité des droits. Or, le nouveau Premier ministre prend la tête d'un gouvernement, composé de plusieurs ministres qui se sont ouvertement opposés au mariage pour tous, à la PMA ou encore à l'interdiction des thérapies de conversion. La rhétorique est la même qu'en 2022 quand Élisabeth Borne dédiait sa nomination à « toutes les petites filles », tout en portant une réforme des retraites fortement défavorable aux femmes. En 2022, de nombreuses ONG dont OXFAM France ont souligné, dans un rapport, les avancés limitées en matière d'égalité femme-homme pourtant désigné comme la « grande cause du quinquennat ». Même si certaines actions menées peuvent être saluées, l'étude pointe un écart important entre les ambitions affichées et les moyens mis en place.
Plus globalement, les politiques économiques néolibérales menées par Macron sont perçues comme injustes par une part grandissante de la population française. Même si le chômage a baissé, la précarité, elle, continue de s'accroître. Selon l'Observatoire des inégalités, 8 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2023, soit 5,3 millions de personnes — les plus touchées étant les femmes et les étudiants. En octobre 2023, un rapport sur les réformes de la fiscalité publié par France Stratégie, un organisme sous l'égide du Premier ministre, démontre que la politique du président de la République favorise clairement les plus aisées au détriment des plus modestes. Ses réformes emblématiques comme la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes (ISF) — mise en place tout en baissant les aides aux logements —, n'ont pas eu les effets escomptés. Le rapport conclut que la suppression de l'ISF est un échec et que le gouvernement aurait perdu à minima 4 milliards d'euros par an de recettes fiscales. Également, les experts de France Stratégie démontrent que l'abaissement de la taxation des revenus du capital n'a bénéficié qu'à une petite fraction d'actionnaires-propriétaires aisés, qui ont vu leurs dividendes augmentés. En outre, les gains obtenus n'ont pas été réinvestis de manière significative dans l'économie réelle. Ils n'ont eu que peu d'impact sur l'investissement des entreprises ainsi que sur le niveau d'emploi et de salaires. En bref, l'État a perdu d'importantes recettes fiscales tandis que cet argent est allé directement dans les poches des plus riches. Dans un même temps, plusieurs réformes ont durci les règles de notre système de solidarité sociale (réforme de l'assurance-chômage, réformes des retraites), creusant un peu plus les inégalités socio-économiques. En 2023, les 0.1 % les plus riches, soit 63 000 personnes, gagnaient chaque mois près de 17 500 euros nets, soit près de 10 fois plus que ce que gagnent la moitié des Français, selon l'Observatoire des inégalités. Un bilan qui a peu de chances de s'améliorer avec la nomination du nouveau Premier ministre et de son gouvernement qui n'a rien de réformiste.
En effet, la controverse ne s'est pas fait attendre, puisque dès son entrée en fonction, Amélie Oudéa-Castéra, nouvelle ministre de l'Éducation nationale a justifié l’envoi de ses enfants à Stanislas — école privée parisienne dépeinte comme élitiste et conservatrice — par les absences des enseignants non remplacés dans le public. L'école étant un terrain privilégié de la reproduction des inégalités en France, son intervention a provoqué un tollé et démontré une nouvelle fois le mépris à peine dissimulé des élites. La confiance des Français envers leurs élus est au plus bas et ce sentiment de méfiance est renforcé par le manque d'empathie et d'exemplarité d'une classe politique qui gouverne pour elle-même.
Ainsi, la nomination de Gabriel Attal n'a rien de progressiste. Issu d'une famille très privilégiée et scolarisé uniquement dans des établissements prestigieux — l'École Alsacienne, puis Sciences Po Paris —, il adhère au parti En Marche dès sa création et n'hésite pas à aller défendre le gouvernement sur tous les plateaux de télévision. Son ascension est très rapide. Il devient ministre de la jeunesse en 2018. Puis porte-parole du gouvernement en 2020, avant de devenir ministre des comptes publics en 2022. Toutefois, c'est dans l'exercice de sa fonction de ministre de l'Éducation nationale en 2023 qu'il fait le plus parler de lui. Il n'y reste que 5 mois, mais porte des réformes conservatrices, voire flirtant avec les idées d'extrême droite — l'interdiction du port de l'abaya, l'imposition de l'uniforme scolaire et la généralisation du service national universel —, n'augurant en rien une politique différente et plus sociale au sein de la Macronie.
Crédit Photo : Ludovic Marin/AFP via Getty Images
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