Par Nedjy Loute Celestin
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La montée des mouvements d’extrême droite et du populisme dans le monde n’est plus un fait contestable, mais plutôt une évidence, étant donné l'importante croissance de ces partis sur la scène politique. Dans de nombreux pays en Europe, les partis d’extrême droite commencent à gagner un électorat grandissant, comme en Allemagne où le parti d’extrême droite AFD est parvenu à gagner un nombre conséquent de sièges au parlement lors des élections de 2017. C’est une tendance qui s’observe partout dans le monde. Par exemple, le Brésil a élu en 2018 Jair Bolsonaro, un homme politique d’extrême droite anti-LGBTQ. Ces partis sont caractérisés par leur discours très conservateur à visées nationalistes, anti-immigrations, islamophobes et identitaires. Certains d’entre eux, comme c’est le cas pour l’AFD, remettent en question la démocratie et l’état de droit, d’où leur lien avec le populisme. Ces dernières années, nous avons assisté à la montée de la violence perpétrée par des groupes ou des individus d’extrême droite ayant pour but de créer un climat de terreur tout en attirant l’attention des gouvernements. On parle alors de terrorisme d’extrême droite.
L’extrême droite : un passé de violence
La violence a toujours été l’instrument de prédilection de plusieurs groupes radicaux, autant de droite que de gauche. Celle-ci leur permet de frapper fort tout en affirmant leur position par rapport à certains enjeux sociétaux. Partout dans l’histoire des groupes organisés ou des individus d’extrême droite, issus des mouvements nationalistes identitaires, anti-gauches, antiféministes, fascistes, néonazis, antisémites, suprémacistes, islamophobes, etc., se sont montrés violents et hostiles envers certaines communautés. On peut citer, par exemple, les meurtres commis par des membres du ku klux klan visant les personnes noires aux États-Unis. Dans les années 70, 83 % des violences politiques sont imputables à l’extrême droite. Cependant, devenant de plus en plus marginal, face à une société civile tolérant de moins en moins les débordements violents, ces derniers ont changé de ton en voulant se dissocier de cette image violente. C’est vers la fin du 20e siècle que l’on observe une reprise des activités violentes de la part de ces groupes partout en Occident.
Les discours haineux de l’extrême droite
La présence grandissante des partis populistes d’extrême droite sur la scène politique permet de renforcer les phénomènes de démocratisation et de légitimation des discours racistes à caractères haineux. En effet, le discours des acteurs de l’extrême droite tourne autour du nationalisme identitaire des personnes blanches, principalement européennes, qui seraient menacées par un complot des personnes immigrantes. C’est ce qu’ils appellent le « grand remplacement ». Les propos de ces acteurs insistent sur l’identification et la séparation du « nous », personnes blanches de descendance européenne, et du « eux » les personnes racisées, immigrantes ou issues de l'immigration. Ils se servent de la peur comme base pour leur discours rhétorique en insistant sur l’urgence de freiner ce phénomène de grand remplacement encouragé par l’immigration de masse. Les théoriciens identitaires utilisent même le terme de « guerre civile » pour qualifier ce phénomène. Les discours séparatistes, visant souvent des communautés ou des groupes minoritaires et racisés laissent place à des propos haineux sur la toile. À la longue, les constantes utilisations de ces discours haineux et racistes par les acteurs politiques, toujours à la recherche de phrases chocs qui permettent de buzzer, ont permis la normalisation de ces propos en ligne et dans la société. Le problème principal que soulèvent les discours que tient l’extrême droite est qu’ils se servent de la peur pour normaliser la haine envers des populations, ce qui permet de légitimer les violences contre elle, car ce serait normal de se défendre contre une menace.
Quand les militants de l’extrême droite passent à l’action
La peur mélangée à la haine est un terrain fertile pour le terrorisme. Les groupes ou les individus qui prônent la violence dirigée vers des groupes en particulier se voient comme des défenseurs de la « race blanche » menacée par d’ « autres races », notamment les personnes musulmanes. Ils se voient en contexte de guerre civile — une vision exacerbée par les attentats du 11 septembre 2001 et les attentats de Paris en 2015. Défendre la « race blanche » passe alors par poser des actes meurtriers. L’Occident a été secoué par de nombreux attentats issus de cette position offensive de la part des individus. On peut citer l'attentat de Christchurch en Nouvelle-Zélande qui avait fait 51 morts et 49 blessés, principalement des musulmans lors de la prière et plus près de nous, l’attentat terroriste de la grande Mosquée de Québec en 2017 où un islamophobe a ouvert le feu sur les personnes présentes. Ces crimes ont été commis par des extrémistes ouvertement islamophobes. L’appel aux crimes haineux contre des groupes est de plus en plus encouragé par des groupes suprémacistes et pilule les réseaux sociaux. On se rappelle le démantèlement, en France, du groupe Telegram FC Deter qui réunissait 7 300 abonnées. Les membres de ce canal menaçaient des groupes de gauche, la communauté LGBT, les musulmans, les Juifs et les immigrants, jusqu’à en appeler à leur assassinat. Parmi les militants de FC Deter, 1300 membres sont fichés S par les autorités françaises, c’est-à-dire classé comme représentant une potentielle menace à l’ordre public. La menace d’un terrorisme d’extrême droite dépasse donc les forums et les sitting à but mobilisateur, et s’incarne de plus en plus dans le réel si bien qu’elle devient la première menace terroriste dans certains pays. Selon les données du centre de recherche américain New America, en 2017 et en 2018, les actes de violence perpétrés par l’extrême droite étaient les plus meurtriers, surpassant même ceux des groupes djihadistes.
La montée de l’extrême droite qui s’accompagne par la normalisation des discours haineux envers des groupes particuliers est une menace pour l'État de droit, car elle représente un schisme dans ce contrat social que les membres des États, autant la majorité que les minorités, ont consenti à respecter. Les actes terroristes sont avant tout une perte de confiance en les élus politiques et en la démocratie pour garantir une protection contre le prétendu anéantissement de la "race" blanche et de sa culture. Les terroristes d’extrême droite se présentent alors comme une résistance face à l’envahisseur, l’étranger.
Crédits images : Alencontre
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