Le partenariat Russie-Chine, vers un nouvel ordre mondial ?
- Le Polémique
- 3 avr. 2023
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Photo: Reuters
Par Theodor Sakr
Alors que la Russie est boursouflée par les sanctions des pays occidentaux pour son invasion à l’endroit de l’Ukraine, elle tend la perche à un allié inattendu : la Chine. Cet État sera-t-il le nouveau médiateur du conflit en Ukraine ? Qui plus est, cette nouvelle alliance remettra-t-elle en question l’ordre mondial actuel, régi par les puissances comme les États-Unis ou l’Europe de l’Ouest ?
Poutine, Jinping : une nouvelle amitié qui se forge
Le conflit en Ukraine ne semblant pas trouver de lumière au bout du tunnel, la Russie semble plus isolée que jamais. En réalité, elle n’est pas si isolée que ça, comme on le constate avec la visite de 3 jours de Xi Jinping dans la capitale russe. Une photo qui fait le tour du monde et la communauté internationale reste bouche bée : la Chine et la Russie se serrent la main et démontrent au public leur nouvelle entente. Pourquoi donc ce partenariat – est-ce une erreur monumentale pour la Chine, ou plutôt une décision stratégique ?
Force est de constater que la Chine et la Russie partagent toutes deux la même peur : l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). En effet, pour Moscou, la raison est claire, notamment à cause de sa déclaration de l’opération militaire spéciale à l’endroit de l’Ukraine : il faut éviter à tout prix une expansion vers l’Est de l’OTAN, puisque cela mettrait en danger, selon le Kremlin, la sécurité du pays et menacerait son existence. Pour Beijing, la peur réside dans le fait de voir l’Indo-pacifique être « otanisé » : d’abord, on constate la signature d’accords de défense de la part des Philippines et l’Australie, puis le sort de Taïwan n’est toujours pas réglé.
Maîtres du monde
Une question flagrante, qui sera naturellement posée lorsqu’on comprend la nature de cette nouvelle alliance, est : pourquoi ne simplement pas laisser les autres États vivre en paix et décider de leur propre sort, sans ingérence étrangère ? Une question plus facile à poser qu’à répondre. Tout dépend de l’école de pensée à laquelle on s’associe le plus. En effet, un réaliste à la Mearsheimer dirait que cette question est absurde : dans un monde régi par les grandes puissances, ce n’est que la tragédie des great power politics (politiques des grandes puissances) puisqu’après tout, c’est la loi du plus fort qui est en marche depuis au moins la Deuxième Guerre mondiale (DGM). Un adepte de l’école libérale, quant à lui, soutiendrait cette question en réaffirmant le concept de souveraineté étatique, et en prônant la guerre économique (economic warfare) en guise de représailles.
Bref, la question à se poser serait plutôt de savoir quelles sont les implications de cette alliance pour l’ordre mondial, nettement dominé par les puissances occidentales et les États-Unis. Pour Poutine, cette alliance est loin d’être militaire. L’inquiétude des alliés de l’Ukraine est de voir la Chine envoyer de l’équipement militaire pour soutenir l’agresseur, a contrario des pays qui soutiennent l’Ukraine dans sa légitime défense face à l’envahisseur. La Chine nie toute allégation de support militaire à l’égard de la Russie. Naturellement pour Beijing, la clé est de garder une relation plus ou moins neutre avec les Occidentaux tout en raffinant ses relations avec Moscou.
Poutine compare l’ordre mondial actuel à celui de l’Axe de la DGM : il accuse les États-Unis et l’OTAN de vouloir bâtir cet ordre mondial, dominé par les Occidentaux, à l’image de l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et le Japon impérialiste. Il semble donc que ce partenariat avec la Chine soit une approche stratégique afin de défier l’ordre mondial – il reste à voir dans quelle mesure cela sera efficace, tant pour la Russie que pour la Chine.
De plus en plus d’inquiétudes.
Bien que les allégations de Poutine soient poussées et qu’on remarque une certaine neutralité à l’endroit de la Chine, les inquiétudes restent bel et bien présentes – non seulement pour la communauté internationale, mais également pour les puissances qui ne savent pas à quoi s’attendre avec cette nouvelle alliance.
Les implications de ce partenariat « sans limites » sont importantes : pour la Russie, une porte s’ouvre et elle semble ne plus être si isolée que ça, tandis que pour la Chine, un accès à des ressources bon-marché est garanti. Malgré les doutes de l’Occident, Beijing reste convaincu que la Chine pourra jouer le rôle de médiateur, ou d’arbitre, dans la gestion et la résolution du conflit entre l’Ukraine et la Chine. Est-ce un avantage pour les États-Unis, ou un frein à leurs objectifs ?
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