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Par Thibault Goguillon
Les médias sont amenés à informer la population rapidement et de manière continue, notamment sur des sujets sensibles concernant la politique internationale ou des événements polarisants. Ils se doivent donc de rester neutre dans leur analyse afin de ne pas influencer la population, particulièrement dans le cas des démocraties. L'opinion publique a le pouvoir d'influencer les décisions de l'État. Malheureusement, sur des questions internationales ou clivantes, les médias occidentaux ont tendance à prendre position.
Ils sont victimes d’un cadrage imposé par leur histoire et la vision de leur société. Dans les années 70, la Turquie et la Grèce étaient en conflit à propos de Chypre. Athènes revendiquait l’île comme lui appartenant, mais la Turquie ne pouvait accepter de voir son rival se développer aussi proche de ses eaux nationales. Les États-Unis ont fait le choix de soutenir la Turquie dans ce conflit, malgré la possibilité d'impacter ses relations avec la Grèce. C’est pourquoi, le pays a développé un très fort sentiment anti-américain. Même 30 ans plus tard, cette vision a servi de cadre pour la presse du pays. Durant les attentats du 11 septembre, 68 % des articles publiés en Grèce avaient des commentaires négatifs sur les États-Unis, malgré la tragédie qu'ils venaient de vivre. Seulement 20,5 % incluaient des commentaires négatifs sur Al-Qaida et 18 % exprimaient de la sympathie pour les victimes américaines.
Cette prise de position des médias grecs s'explique par le développement d'un cadre primaire anti-américain. Les médias, pour des raisons politiques et sociologiques, ont tendance à refléter l'opinion majoritaire d'une population. La façon dont ils interprètent les événements mondiaux est corrélée avec les intérêts politiques et géostratégiques du pays. Le climat politique local a tendance à alimenter l'ethnocentrisme des médias nationaux. Dans cette affaire, les médias grecs n'ont pas pris le recul nécessaire et ont présenté les États-Unis comme un pays impérialiste ayant récolté les fruits de sa politique expansionniste. Le problème étant que toutes les sociétés, et donc les médias, sont soumis à ces biais, que ce soit en connaissance de cause ou par omission. C'est notamment le cas de la presse occidentale lorsqu'elle traite de sujets touchant les conflits internationaux. Celle-ci présentera les faits d’un point de vue occidental, compatible avec son l'histoire et sa vision.
L'un des cas les plus documentés de prise de position des médias occidentaux est la situation en Palestine et en Israël. Le cadrage effectué par l’Occident dans ce conflit est généralement pro-israélien. Cela s'explique par des raisons historiques, la conscience occidentale ayant été profondément bouleversée par les crimes perpétrés dans les pays occidentaux contre les Juifs. Cela vient se coupler à un brassage médiatique américain présentant Israël comme un État persécuté et en danger, ce qui conduit les médias occidentaux à suivre ce biais. De plus, la défense d’Israël correspond dans l’ensemble aux intérêts géostratégiques de l’Occident. Ainsi, durant la seconde intifada, les médias américains et anglais présentaient la situation sans la remettre dans son contexte géographique et historique. Les termes « d’occupation » et « d'implantation israélienne » étaient remplacés par le terme de voisinage « israélien ». Cette prise de parti perdure encore aujourd'hui ; les attaques du 7 octobre ayant relancé une pluie médiatique sur le sujet. Pour l’instant, la tendance des médias occidentaux continue d'être pro-israélienne, mais il est encore trop tôt pour dire si cela va continuer tout au long du conflit. Même si les morts israéliens sont plus médiatisés que ceux des Palestiniens et que le contexte historique est une fois de plus mis de côté dans la plupart des articles.
En plus d'influencer la population avec un cadrage, la presse occidentale, étant lue dans les pays du monde arabe grâce à des antennes telles que France 24 qui diffuse les nouvelles d’un point de vue français en continu dans ces régions. L'image renvoyée par l'Occident est interprétée par le monde arabe comme une situation de deux poids deux mesures à la fois politiquement et médiatiquement. La presse occidentale a été extrêmement rapide dans la dénonciation de frappe militaire sur des civils en Ukraine. Tandis qu’en Palestine cette prise de parole s’est fait attendre. Cela a eu pour conséquence de fragiliser les relations et l'image de l'Occident. Ainsi, on ne voit plus la presse occidentale comme impartiale, mais comme défendant une vision politique, ce qui diminue considérablement son influence médiatique dans ces régions.
Dans les années à venir, les médias vont devoir traiter avec d'autres sujets où le simple fait de mettre une information en avant est considéré comme une prise de position et peut avoir de grandes conséquences sur l'opinion publique. Pour que les débats internes aux démocraties sur les questions internationales restent sains et constructifs, les médias ont tout intérêt à apprendre à rester impartiaux quelle que soit la question traitée ainsi que son bagage historique.
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