La Seconde place de la honte: des enfants violé.es et des européen.nes protégé.e.s
- Le Polémique
- 3 avr. 2023
- 6 min de lecture

Photo: Red Door News Hong Kong.
Par Zoe Decros
La France, sous son insigne de mère patrie des droits humains, connait 165 000 cas de viols d’enfants et se place au deuxième rang des pays ayant des échanges pédopornographiques à l’étranger.
Une pauvreté grandissante et la sexualisation des réseaux sociaux
Le phénomène, qui est né en 2012, a pris une ampleur considérable avec la pandémie. Les confinements ont dupliqué la puissance et le danger des réseaux sociaux et ont mis à mal l’économie fragile des pays très inégalitaires qui dépendent largement du commerce extérieur et du tourisme. Ainsi, la surexposition des jeunes et des personnes sur les réseaux sociaux s’est combinée à des situations de précarité intense, notamment dans les pays du sud est asiatique comme la Philippine.
Bien que la France, soit sur le devant de la scène, les chiffres d’Interpol démontre que ce type d’agression est un phénomène global avec aujourd’hui 14 500 précriminels recensées, qui violent ou agressent sexuellement environ 32 700 petites victimes mineures à travers 68 pays. Le caractère incestueux de ces viols digitaux est effroyable. Un rapport de l’« International Justice Mission » (IJM) rapporte que 42% des viols sont commis par les parents biologiques et dans 42%, par des proches de la famille. Ces « petites victimes » à l’autre bout de l’Europe, sont les premières victimes du « live streaming ». Ils, elles, iels sont par l’écran des jouets sexuelles de chefs d’entreprise, de jeunes actifs ou bien même d’hommes mariés occidentaux : français, belges ou suisses. Les Européens représentent 1/3 des violeurs sur mineurs commandités et regardés en direct sur internet.
Ce phénomène est décrit par l’« Online Sexual exploitation of Children » (OSEC) . « Cela consiste à diffuser par webcam à des fins commerciales, des vidéos de violences sexuelles commises par des adultes sur des enfants (…) Une industrie particulièrement bien développée dans les pays d’Asie du Sud Est, ou cette activité constitue une alternative à la misère ». Ces enfants sont, entre autres, Diwa, son petit frère et son petit cousin, qui ont témoigné dans un poignant reportage d’Arte, diffusé quelques semaines après la parution de l’affaire dans le journal français le Monde.
Diwa est une petite fille philippine, avec une mère biologique pauvre et débordée, le Covid ayant tout simplement anéantie la famille monoparentale. Lors d’une interview au sein de la Fondation Préda, Diwa raconte au journaliste :« J’étais leur favorite parce que je suis une fille. Du coup, je n’avais qu’une journée entière de repos. Ils faisaient du chantage. Si je ne faisais pas ce que les étrangers demandaient, ma famille me mettait dehors toute nue ».
Les dernières enquêtes ont révélé des échanges qui font froid dans le dos, et qui témoignent d’une hypocrisie occidentale. Une double domination économique et sexuelle d’enfants et de familles dans le besoin s’exprime. La détresse se ressent dans les échanges entre les clients et les mères de familles, révélées dans les enquêtes de l’IJM :
« René, résident en Suisse : « Qu’est-ce que tu fais, pour 200 dollars ? » « Je baise ma fille avec mon copain, elle est vierge, je ne la sacrifie pas pour rien. »
Elle envoie ensuite une rafale de photos de famille banales, elle avec dans ses bras deux fillettes de 7 ans et 2 ans.
Elle indique qu’elle a des difficultés pour payer son loyer et son électricité.
Demande quatre fois : « How old do you like ? » (« tu veux quel âge ? ») et ajoute, pour l’encourager, « Don’t be shy » (« ne sois pas timide »). S’ensuivent plusieurs négociations sur les tarifs et les prestations, entre 30 euros et 80 euros, en fonction du nombre d’enfants et du type de rapport. »
Une responsabilité internationale en jeux.
Ces messages et ces échanges qui sortent tout droit d’un mauvais film d’horreur sont en réalité, une triste et aberrante situation où la communauté internationale ne semble pas pouvoir, ou vouloir agir. En effet, il n’existe, encore, aucunes agences spécialisées pour lutter contre les violences sexuelles numériques au sein de l’ONU. Seule, Mama Fatima Singhateh, la rapporteuse spéciale de l’ONU concernant la vente et l’exploitation sexuelle des enfants, s’est rendue en décembre 2022, aux Philippines. Le but a été d’établir un rapport qui alerte le manque de juridiction spécialisée des cas des OSEC, de coopération nationale et internationale et du manque de structures pour ces victimes.
Ce manque de coopération engendre un processus de légitimation de ces échanges commerciaux. Finalement, un échange des plus basique. Le plus terrible est que ce commerce n’est pas sanctionné. Pire encore, il est source de revenus pour de grands groupes privés : tels que Facebook, Skype, ou encore pour les transactions financières comme Western-Union ou PayPal.
En dehors du cadre juridique international, il est extrêmement difficile pour les Philippines, un pays profondément patriarcal et religieux d’agir efficacement. Le gouvernement « peine à accorder des droits aux femmes et aux enfants » tel nous le confie Arlene Brosas, l’une des trois seules représentantes progressistes. Cette femme ancienne travailleuse sociale peine à lutter contre le viol dans un archipel désigné, aujourd’hui, comme celui « du leadeur du viol en ligne ». Elle explique ce phénomène par l’extrême pauvreté, la malnutrition et d’autres raisons sociétales : notamment le fait que la population soit largement anglophone et que les connexions internet soient de bonne qualité. Par ailleurs, le droit philippin est assez restreint dans sa politique anti-pédocriminalité car il ne permet pas d’arrêter ou de condamner une personne si ce n’est pas un « délit flagrant ». Ainsi, le fait que le viol ne soit pas commis « publiquement », qu’il soit commis au sein de la sphère privée engendre une invisibilisation de ces crimes.
Par ailleurs, le fait que les commanditaires des viols soient à l’étranger, laisse dépourvues ces autorités locales sans pouvoir extraterritorial. Enfin, la police tente tant bien que mal d’infiltrer directement les réseaux pédocriminels, mais tout comme la justice leurs pouvoirs restent assez restreints par un déficit crucial de budget et de politiques publiques.
D’autres institutions, comme des fondations locales philippines permettent de lutter continuellement contre cette exploitation enfantine. La plus connue est la fondation Préda, fondée par un prêtre irlandais à la fin de la guerre du Vietnam. Shay Cullen a vouée sa vie à la lutte contre le tourisme sexuel et contre le trafic humain et notamment celui des enfants. Dans un article du monde, il se livre sur la dégradation de la situation: « 40 ans une prédation sexuelle qui quitte doucement les trottoirs philippins pour entrer dans l’arcanes des réseaux sociaux ». Aujourd’hui cette fondation accueille 132 petites victimes, pour la plupart mineures, n’ayant même pas encore atteint leurs pubertés. L’un des point clefs de la fondation est son programme de reconstruction psychologique qui propose aux enfants d’exprimer leurs douleurs en criant « vous êtes des pervers » « je n’en peux plus » « gros dégelasse ». Tout cela résonnant dans une chambre noire, ou les cris s’emparent des lieux pour exprimer la douleur de ces enfants, qui seront à tout jamais victimes d’un crime sans mots et sans réparation.
Quand les parents se transforment en justiciers pédocriminels.
En Europe, et en France, les moyens proposés pour lutter sont encore assez flous et inefficaces. L’association Eunomie, qui vise à combattre la pédocriminalité, a mis à jour une carte numérique en ligne recensant près de 2000 prédateurs sexuels en ligne rien qu’en France. Tandis que Macron avait annoncé mettre en place, en janvier 2023 un programme pour former une police justicière de 70 justiciers spécialisés, rien n’a encore été concrètement mis en place. Aujourd’hui, il existe seulement 17 officiers formés pour lutter contre la pédocriminalité et 6700 cyber-justiciers, non spécialisés dans les violences sexuelles au sein de la gendarmerie française.
Ainsi, ce sont donc des ONG privées, formées majoritairement de parents qui combattent ces pédocriminels sur le net. La 1ère a été créée par Steeven Moor dans l’archipel français de la Réunion. L’organisation est née d’une affaire de viol en ligne d’une jeune fille de son entourage. Après de nombreux combats, l’auteur des faits a finalement été arrêté. L’organisation est passée en quelques années d’une cinquantaine de bénévoles à 150 personnes. Ce sont notamment des anciennes victimes d’agressions sexuelles, incestueuses et /ou des parents qui comme Shiva visent à accomplir leur devoir de parents.
Shiva est un père de famille, qui comme Steeven combat la pédocriminalité au sein de l’association Eunomie. Leurs rôles en tant que justiciers de l’ombre, visent à insérer ces réseaux pédo-criminels afin de pouvoir enquêter sur ces hommes, et par la suite les dénoncer à la police
Ce pouvoir, plus informel qu’institutionnel, a permis tout de même d’arrêter 140 personnes, et de signaler à peu un plus de 250 personnes depuis 2019. Il reste que ces enquêtes ont fait l’objet de nombreuses critiques notamment par le Garde des sceaux : Eric Dupont Moretti, qui affirmait que cela le « chagrinait beaucoup » de voir s’insérer dans le cadre juridique de simple citoyen.n.e.s. Cette tristesse témoigne de l’hypocrisie de la juridiction française et européenne, à ne pas assumer l’ampleur de ce phénomène et la gravité de ces actes sur ces enfants étrangers.
L’ambiguïté complotiste du phénomène
Enfin, il faut souligner que le phénomène n’est pas quelque chose de nouveaux dans les thèses conspirationnistes, notamment on fait référence au mouvement Qanon aux Etats-Unis. Ces théories du complot qui affirment que les élites, telle Hilary Clington, seraient à la tête d’un réseau pédophile d’enfants, est largement réfuté par ces deux organisations : celle de Moor et de Eunomie qui affirment avoir une responsabilité civile et terre à terre de prévenir ces agressions. Le problème de ces thèses conspirationnistes est la manière dont elles délégitimisent et violentent l’action effectuée par ces organisations. Aujourd’hui, les organisations souhaitent marcher avec la justice française et européenne pour en finir avec ce phénomène inhumain qui chaque jour détruit des milliers de vies.
Sources: