La réélection du président Nayib Bukele : un danger démocratique pour leSalvador
- Le Polémique
- 5 mars 2024
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Dernière mise à jour : 1 nov. 2024
Par Bianca Lara-Maletto

2,7 millions d’électeurs ont permis à Nayib Bukele d’obtenir un deuxième mandat au Salvador le 4 février 2024, et ce, pour les cinq prochaines années. Avant même que le Tribunal suprême électoral (TSE) officialise les résultats, celui-ci se proclamait déjà comme gagnant à la présidence. Ce simple acte de défiance vis-à-vis d'une fonction de haut niveau comme le TSE forme le portrait de son caractère et des politiques de son parti politique le Nuevas Ideas. Selon l’institut CID-Gallup, 87 % des voix ont remis leur confiance entre les mains de Bukele, espérant que le Salvador soit un pays sécuritaire.
Or, il est important de se poser la question : qu’est-ce que la sécurité d’un pays ? Selon Bukele, les solutions les plus efficaces sont les plus rigides, soit de maintenir un environnement de surveillance constante et d’établir de nouvelles politiques punitives pour contrer la criminalité. Certainement, le taux d’homicide a baissé en flèche depuis son arrivée au pouvoir en 2019. C’est en mars 2022 que Bukele a déclaré l’état d’urgence à travers le pays, lui permettant de contourner toute loi protégeant les droits civils de la population. Ainsi, toute personne suspecte de faire partie des gangs de rues peut être arrêtée sans mandat et l’armée a droit en tout temps de contrôler les rues salvadoriennes.
En plus de criminaliser une partie de la population, Nayib Bukele a remplacé les juges de la Cour suprême et le procureur général. En contournant la Constitution étroitement, il a obtenu un deuxième mandat consécutif, ce qui est interdit au Salvador. Contestataire des systèmes politiques existants, celui-ci tente de capter la population, exaspérée par la corruption étatique. Cependant, démanteler un système établi pour le remplacer à sa guise peut tout aussi bien être considéré comme un abus de pouvoir, et laisse une place grandissante à une nouvelle élite politique assoiffée de pouvoir. La glorification du chef d’État est ainsi un affaiblissement de la potentielle démocratie que les Salvadorien.nes pourraient goûter.
Délibérément, Bukele se proclame « dictateur le plus cool du monde » et réaffirme son pouvoir en se fiant à l’appui populaire. En rejetant les politiques traditionnelles du Salvador, en critiquant la classe politique et en tenant des propos anti-intellectuels, celui-ci maintient des tactiques populistes assez communes en Amérique latine. Exploiter la terreur de la population à des fins de pouvoir n’est nullement un nouvel angle d’approche pour les chefs d’État latino-américains.
Une majorité de la population est en accord avec les politiques répressives de Bukele, mais comment peut-elle former une idée éclairée quand la censure intellectuelle et la punition sont les outils préférés du président ? Si la sécurité d’un pays dépend de Bukele uniquement, les enjeux socio-économiques ne sont pas résolus, et les systèmes d’oppression continueront de marginaliser la population salvadorienne. L’emprisonnement de milliers de personnes et la criminalisation de la pauvreté ne peuvent coïncider avec le terme « sécurité », car au final, seul les privilégié.es pourront profiter du système que Bukele met en place.
Le Salvador a certainement souffert aux mains des gangs de rue, mais pour lutter contre la criminalité, le système pénitentiaire comme l’envisage le président du pays n’est qu’un pansement sur des enjeux majeurs tels que la pauvreté et le colonialisme. Déchirer des familles au lieu de créer des espaces communautaires renforce l’individualisme et incite la population à un sentiment de terreur.
Crédit photo : France 24
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