La guerre en Ukraine : qu’en est-il de l’opinion publique russe ?
- Le Polémique
- 3 avr. 2023
- 3 min de lecture

Photo: SHAMIL ZHUMATOV/REUTERS
Par Guillaume Cousin
Le déclenchement de « l’opération militaire spéciale », sur le territoire Ukrainien en février 2022, à tendance à faire l’unanimité quant à la responsabilité de la machine étatique Poutinienne dans l’avènement du conflit Ukrainien. Néanmoins, l’avis de la population russe à cet égard est moins connu du grand public. Alors que les méthodes de gouvernances de Vladimir Poutine et que la propagande active du gouvernement donne une impression d’opacité sur la réalité russe, comment l’opinion publique russe réagit-elle à ce conflit ?
Cette impression de chape de plomb autour de la Russie se place dans une dynamique d’internalisation et de renfermement de la toile médiatique russe. Tout d’abord, d’un point de vue des diffuseurs, on dénombre aujourd’hui 270 médias nationaux bloqués au sein du pays. Cette censure inscrit un contrôle de l’information et de l’opinion transmis à l’espace publique. De plus, au-delà de contrôler l’opposition à la guerre, le régime diffuse aisément sa version des évènements grâce à la télévision qui reste de nos jours le médias le plus populaire en Russie. Pourtant Vladimir Poutine ne fait pas que compter sur sa main mise pour maintenir l’opinion publique favorable à son égard. En effet, la population russe exprime un ressentiment de rejet ou d’indifférence envers les sources médiatiques nuancées ou opposées au discours officiel étatique, surtout parmi les personnes âgées. Ce comportement s’explique à travers de nombreux cas, comme une volonté de se préserver dans un confort où l’on préfère ne rien savoir que d’être exposé à des opinions, qui nous sont défavorables. Cependant, ce discours est à relié avec la version officielle diffusée par le gouvernement, puisque depuis le lancement des hostilités Vladimir Poutine tient un discours décrivant une Russie acculée et encerclée par des menaces. Il transmet ainsi aux russes une vision d’un monde extérieur russophobe, qu’il est nécessaire de contrer : « Afin de protéger la sécurité de notre pays, contrer la menace d’un régime néo-nazi, […] nous avons pris la décision de mener l’opération militaire spéciale. » C’est ce que déclarait Vladimir Poutine lors de son discours à la nation, le 21 février 2023 qui précède de trois jours le premier anniversaire de l’offensive russe en Ukraine. Il y ajoute : « Nous avons fait tout ce qui était possible pour résoudre ce conflit par des moyens pacifiques, […] cependant derrière notre dos on préparait un autre scénario, les dirigeants occidentaux qui ont fait des promesses pour parler de la paix étaient en réalité des mensonges cruels. ». Ainsi, il justifie les agressions russes comme une défense nécessaire face à la menace du monde occidental avec lequel il entretient la rivalité dans l’opinion publique.
Le dernier institut de sondage indépendant en Russie, le Centre Levada a publié en février 2023 un rapport qui regroupe 75% de la population autour d’un soutien envers le pouvoir russe et la guerre en Ukraine. Son directeur scientifique Lev Goudkov, un expert de l’opinion publique en Russie attribue cette popularité à la pratique d’une propagande « démagogique et agressive » associée à une censure presque totale qui cristallisent les avis.
Les opinions favorables à Vladimir Poutine et envers ses activités militaires n’ont pourtant pas toujours été à l’ordre du jour. La principale évolution de l’opinion se fait à travers la jeunesse russe, qui en 2007 disposait d’une propension plus faible à l’intention de prendre part à des manifestations à l’encontre du gouvernement face aux tranches d’âges supérieures. Aujourd’hui, selon le Centre Levada le sentiment anti-guerre se fait plus fréquent chez les jeunes, dont 38% sont opposés à la guerre en Ukraine, contre seulement 9% des retraités.
Lors de la révolution de Maïdan 2013-2014, permettant l’accession au pouvoir de Petro Porochenko qui succède à Viktor Ianoukovitch, l’Ukraine vit un grand tournant dans sa politique extérieure grâce à la transition d’un président tourné vers la Russie, à celui porté vers l’Union Européenne et l’OTAN. Au même moment, la Russie diffuse un discours de rapprochement des deux peuples, permis par le passé historique commun pouvant leurs être associés, on parlait même de « deux peuples frères ». L’opinion publique russe se montrait alors fin 2013 particulièrement défavorable à une invasion de l’Ukraine puisque 75% des Russes estimaient qu’il ne fallait pas interférer. Cette opinion pouvait alors s’expliquer par la position du gouvernement, mais aussi par une amitié sincère du peuple russe envers l’Ukraine puisque l’on estime que 28% des Russes ont de la famille, sont nés, ou ont étudiés en Ukraine. Ce sont pour ces raisons que les chercheurs s’attendaient à une réaction négative de la population russe envers la guerre. À l’inverse, le conflit a ravivé la popularité du pouvoir qui défend les intérêts de la Russie face à l’occident dans l’esprit collectif. L’enjeu de L’Ukraine passe alors presque au second plan et la sympathie envers le peuple ukrainien s’est alors mue parfois en haine et le plus souvent en indifférence.
Sources:
https://www.radiofrance.fr/franceinter/en-russie-malgre-l-aggravation-de-la-situation-le-soutien-de-la-population-au-pouvoir-se-consolide-4135352
https://www.radiofrance.fr/franceinter/les-ukrainiens-sont-comme-des-freres-l-opinion-publique-russe-ne-veut-pas-d-une-guerre-4427864
https://www.levada.ru/2023/02/02/konflikt-s-ukrainoj-otsenki-yanvarya-2023-goda/
https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2007-2-page-81.htm