L’Union européenne ferme les yeux face à la crise migratoire
- Le Polémique
- 1 oct. 2023
- 3 min de lecture
Par Erine Le Curieux-Belfond
11 000. C’est le nombre de réfugié.es qui sont arrivé.es sur l’île italienne de Lampedusa entre les 11 et 21 septembre 2023. La journée du 13, le centre d’accueil de la Croix rouge avait déjà enregistré environ 8500 personnes ayant survécu à une traversée de la mer Méditerranée entre les côtes tunisiennes et de sud de l’Italie. L’arrivée soudaine d’un nombre cinq fois plus élevé que la normale de migrant.es aux frontières de l’Union européenne remet une fois de plus la question de la crise migratoire en Europe au centre des débats, en perspective des élections européennes en juin 2024.
Une forte répression à l’origine de cette vague migratoire
La majorité des migrant.es arrivé.es cette semaine ont utilisé les services de passeurs depuis la ville tunisienne de Sfax. La situation des réfugié.es subsaharien.es en Tunisie était, depuis quelques mois, très instable. En février 2023, le président Kaïs Saïd les avait rendus responsables de la crise économique et politique, les accusant de planifier des actions criminelles à l’encontre de la structure démographique du pays. Depuis, les immigré.es noir.es subissent toutes sortes de violences racistes dont l’ampleur suit une courbe exponentielle. L’affirmation des intentions d’expulser ce « groupe criminel » a été renouvelée par le président tunisien cet été lorsque la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, s’est rendue aux côtés de Giorgia Meloni et Mark Rutte, mi-juillet, à Tunis pour signer un « partenariat stratégique ». L’accord prévoit une gestion par la Tunisie des frontières et de l’immigration illégale en échange d’un apport financier d’un milliard d’euros de la part de l’UE. Cet accord a été suivi d’une forte vague de répression et de déportation dans le désert libyen, ce qui est à l’origine de l’augmentation du nombre d’embarcations s’engageant dans la traversée de la Méditerranée, avec comme destination l’île peu peuplée de Lampedusa.
Une petite île au cœur d’une problématique européenne
Des trois principales routes migratoires reliant l’Afrique du Nord à l’Europe par la Méditerranée, la route centrale reliant la Tunisie et la Libye aux côtes italiennes est, au cours de cette année, la plus empruntée. Depuis janvier 2023, 123 000 migrant.es ont risqué leurs vies sur des embarcations de fer reliant ces deux points. Le port de Lampedusa se situe à une centaine de kilomètres des côtes tunisiennes, l’île fait office de porte d’entrée vers l’Europe. Le nombre de personnes entamant la traversée ayant augmenté cette dernière année, cette route devient inévitablement plus meurtrière avec plus de 2000 morts enregistrés depuis janvier. Le centre d’accueil et de soin de la Croix-Rouge ne dispose pas des capacités d’accueil pour un nombre d’arrivants supérieur à 400 personnes. Celui est a été désengorgé garce au transfert de nombreux.ses migrant.es vers le continent, la Sicile et la Calabre. Secourir un tel nombre de personnes nécessite une logistique qui ne semble pas faire partie du plan d’action de l’Italie et par projection, de l’UE. L’Italie fait partie, avec la Grèce et l’Espagne, des pays européens qui voient arriver des centaines de migrants sur leur territoire, et ce de manière constante depuis 2015. Les difficultés d’accueil d’une soudaine vague de migration témoignent de la gestion difficile et du manque de préparation des pays européens face à la crise migratoire.
Mais que fait l’Union européenne ?
Ursula Von der Leyen s’est rendue, ce 17 septembre, à Lampedusa pour affirmer son intérêt pour la question migratoire, qu’elle avait auparavant délaissée, s’attardant davantage sur les victimes du conflit russo-ukrainien. À l’aube des élections européennes, cet enjeu divise. Les valeurs humanistes fondatrices de l’UE s’opposent à la prétendue incapacité d’accueil par les pays membres. Ursula Von der Leyen souhaite organiser une solidarité à l’échelle de l’UE, mais, à la lumière des derniers évènements, cette dernière ne semble pas préparée à coopérer sur cet enjeu. Les pays non accessibles par la méditerranée se reposent sur la procédure fastidieuse de demande d’asile qui dépend du règlement de Dublin stipulant que les migrants doivent demander l’asile dans leur pays d’arrivée. Le règlement réduit ainsi la liste des pays à 3, ralentissant leur arrivée dans les pays d’Europe du Nord, non favorables à ces changements démographiques, à l’image de la Tunisie. Toutefois, une action de l’UE serait requise pour soulager l’Italie qui pourrait être contrainte, à terme, d’engager des actions contraires aux valeurs de l’Union européenne. L’aide supplémentaire de 127 millions d’euros à la Tunisie pour tenter d’endiguer le phénomène ne fonctionnera probablement pas à l’image de la première tentative.
Crédit Photo : AFP
Sources :
A Lampedusa, une énième crise migratoire, ARTE https://www.youtube.com/watch?v=X9lmRtKsF0U
Immigration vers l'Europe : un point sur les chiffres - Le dessous des cartes - L'essentiel | ARTE https://www.youtube.com/watch?v=7k8VVFjYRRI,