JO 2024 : Jeu d'influence pour la participation des athlètes russes et biélorusses
- Le Polémique
- 31 oct. 2023
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 nov. 2023
Par Guillaume Cousin
En vue des jeux Olympiques de Paris à l’été 2024, l’affrontement entre Russie et Ukraine
se délocalise dans les instances sportives. Le sport constitue un élément de soft-power
déterminant pour les deux nations. En effet, un athlète qui gagne permet de remonter
le moral des troupes mais surtout de porter les regards sur son pays, un facteur indispensable pour l’Ukraine qui cherche depuis de nombreux mois à conserver l’attention de la communauté internationale. Le soutien de ses alliés est nécessaire pour l’Ukraine dans son combat, le sport n’est certes que symbolique mais l’image des deux partis est en jeu, et l’un comme l’autre compte bien en tirer profit sur les champs de bataille.
Les Jeux Olympiques ont toujours été la prolongation des conflits internationaux en terrain neutre, notamment durant la guerre froide, une époque durant laquelle les blocs de l’Ouest et de l’Est ont boycotté tour à tour leurs jeux respectifs. Pour imager, George Orwell décrit le sport comme la guerre avec les fusils en moins.
Les conflits font intégralement partie du sport et malgré cette politisation consciente des événements, le comité international olympique (CIO) a toujours gardé la face et n’a jamais cessé de promouvoir sa neutralité politique, qu’il n’est pas prêt de laisser tomber. La neutralité politique est inscrite dans la Charte Olympique en tant que principe fondamental de l’olympisme, et elle doit être promue et maintenue par le CIO. Le comité ne manque pas à son devoir en affirmant explorer les moyens de réintégrer les athlètes russes et biélorusses. Thomas Bach, le président du CIO, se montre ouvert à
une possible participation de ces athlètes sous conditions et en soutenant « le refus d’ingérence politique dans le sport » ainsi que la « non-discrimination de tout athlète ». Pour l’instant, la décision du retour de ces athlètes aux JO de Paris est reportée à une date indéterminée, à la discrétion du CIO. Leur réintégration pourrait être acceptée sous certaines conditions de neutralité, comme la participation sous bannière neutre, comme l’a recommandé le CIO pour les compétitions internationales.
Cependant, la Russie en réclame davantage : le 19 octobre dernier, lors de son discours, Vladimir Poutine passe à l’offensive en accusant les dirigeants du CIO de politiser ces jeux et d’être coupable de discrimination raciste envers les athlètes russes. Il peut également compter sur le soutien de son comité national olympique (CNO) qui poursuit son militantisme au sein du CIO pour faire valoir les intérêts des athlètes. Plusieurs fédérations internationales ont déjà mis en pratique ou annoncé le retour des sélections russes et biélorusses dans leur sport, comme l’escrime, la gymnastique, ou le
judo, provoquant des levées de bouclier du côté ukrainien. En réponse, l’Ukraine a déjà annoncé le retrait de ses athlètes pour les compétitions concernées et menace de faire de même avec les JO en boycottant l’ensemble de l’événement en guise de protestation. Depuis le début du conflit ouvert, l’Ukraine mène une grande campagne sur les réseaux sociaux et dans les instances sportives pour garder les athlètes russes et biélorusses loin des compétitions internationales. Pour cela, l’Ukraine affirme que les athlètes concernés sont reliés d’une manière ou d’une autre à l’État ou à l’armée russe, mais également que le régime de Vladimir Poutine utilise le sport comme un instrument de propagande. Dans ce cas, ces conditions ne respectent pas la neutralité des compétitions sportives.
Néanmoins, le boycott de l’Ukraine ne fait pas l’unanimité : Pascal Gillon, ancien chercheur au centre d’étude sur le sport et l’olympisme, explique que sans participation, l’Ukraine perdrait de sa force de revendication, ainsi qu’un symbole de séparation et d’autonomie face à la Russie. Le CIO conteste également ce choix, Bach a récemment critiqué le boycott de l’Ukraine lors de compétitions internationales pour protester contre la réintégration des athlètes bannis : « Il est vraiment difficile de comprendre pourquoi le gouvernement ukrainien prive ses propres athlètes d’une chance de se qualifier pour les JO 2024, et prive le public ukrainien de cette fierté ».
L’Union Européenne s’affiche comme le principal soutien de la position ukrainienne. En effet l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe a estimé que toute participation d’athlètes russes « serait certainement utilisée comme un outil de propagande et empêcherait de facto d’autres athlètes, notamment ukrainiens, de participer ». Ainsi, cette assemblée s’est prononcée le 22 juin 2023 pour l’exclusion totale des athlètes russes et biélorusses des Jeux olympiques et paralympiques à Paris.
La décision à venir du CIO aura donc des conséquences bien au-delà de l’échelle
sportive. L’actualité sera à suivre avec attention lors des prochaines semaines et prochains mois, alors que nous sommes à moins d’un an des JO à Paris. Une tournure historique et de grands enjeux de géopolitique attendent déjà l’évènement.
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