Haïti : qui sont ces gangs qui prennent contrôle du pays?
- Le Polémique
- 31 oct. 2023
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Dernière mise à jour : 3 nov. 2023
Par Rama Kébé
Le lundi 2 octobre dernier, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) a annoncé l’envoi d’une mission multinationale en Haïti en réponse à l’escalade de la violence de gangs. Ces derniers, présents au nombre de 700, sont réunis autour de 7 grandes coalitions, qui ensemble contrôlent près de 80% de la capitale, Port-au-Prince. Ils maintiennent sous leur autorité 2 millions d’haïtiens, dont 1,6 million de femmes et d’enfants, alors que l’État perd peu à peu le contrôle d’une importante partie du pays. Ces groupes armés plongent la population dans une crise alarmante qui ne cesse de se dégrader depuis les quatre dernières années.
À l’heure actuelle, c’est la moitié de la population haïtienne qui se trouve en situation d’insécurité alimentaire et qui a besoin d’aide humanitaire. Les gangs ont imposé un blocus sur les voies de transport entre la capitale et le reste du pays, ce qui restreint l’accès à des services essentiels comme la nourriture, l’eau potable et le carburant. Le nombre d’enfants souffrant d’émancipation sévère et de malnutrition chronique a grandement augmenté en raison de la difficulté d’avoir accès aux moyens de subsistance. De plus, les gangs multiplient les assassinats, les enlèvements et les demandes de rançons. Entre le 1 er juillet et le 30 septembre, la police nationale a signalé 1239 homicides, alors que ce nombre s’élevait à 577 lors de la même période, l’an dernier. Des enfants sont blessés et tués, parfois lorsqu’ils sont en route pour l’école, et certains sont recrutés de force ou rejoignent les groupes armés par désespoir. Les femmes et les filles sont victimes de violences sexuelles et sont les principales cibles d’enlèvements. Les demandes de rançons, qui touchent particulièrement les étudiants, les enseignants et1 les travailleurs de santé, ont causé l’exode de plusieurs travailleurs qualifiés. En somme, les gangs de rue plongent la population dans une crise humanitaire inquiétante.
Toutefois, que sait-on de l’origine de cette situation et qui sont ces gangs qui prennent contrôle
du pays?
Le phénomène de gangs a pris de l’ampleur en 2010 lorsque des hommes d'affaires ont commencé à fournir des armes à des jeunes issus de quartiers défavorisés dans le but de défendre les commerces ou pour se soulever contre les élites politiques. Ils finançaient donc des groupes armés pour servir leurs propres intérêts. Éventuellement, la situation a dérapé et les hommes d'affaires ont perdu le contrôle de ceux qu’ils avaient armés. Ces derniers s'organisent dorénavant pour subvenir à leurs propres besoins et avoir accès à de nouvelles sources de revenus. Les membres des gangs de rue sont des garçons issus de quartiers populaires qui ont peu de perspectives d’avenir et qui cherchent avant tout à survivre. Pour la plupart, ils ont grandi sans avoir accès à des services publics ou de santé ni à l’éducation. En rejoignant les gangs, ils vivent à la solde de gens puissants ou bien des rançons qu’ils imposent à la population. Également, ils volent et pillent des camions de marchandises et se partagent les ressources. Ainsi, le contexte de pauvreté dans lequel ils évoluent et l’incertitude face à leur futur seraient le motif de leur implication dans un gang.
La mission humanitaire que veut déployer l’ONU viserait à empêcher l’exportation d’armes légères vers Haïti et à mettre en place des élections afin de reconstruire un État plus solide, qui pourrait faire face aux gangs. Toutefois, une partie de la population haïtienne se montre plutôt critique à l’égard de la communauté internationale depuis l’échec de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti de 2004. Celle-ci a été suivie par une épidémie de choléra, 10 000 morts et des agressions sexuelles perpétrées par des soldats. En somme, la mission de 2004 n’a pas eu les résultats attendus, ce qui explique qu’aujourd’hui l’intervention étrangère est perçue par certains d’un mauvais œil. Toutefois, la mission de l’ONU est synonyme d’espoir pour plusieurs haïtiens qui y voient une porte de secours à la situation qu’ils subissent depuis des années.
Crédit Photo : AAP
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