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En Équateur, des élections anticipées dans un chaos institutionnel

Dernière mise à jour : 3 nov. 2023

Par Erine Le Curieux-Belfond


Souvent dimension économique


Le libéral Daniel Noboa a été élu, le 15 octobre dernier, président de l’Équateur avec 52,3 % des voix, devançant ainsi la socialiste Luisa González qui a quant à elle, récolté 47,7 % des soutiens. L’élu de 35 ans a immédiatement déclaré vouloir « travailler pour reconstruire un pays qui a été durement frappé par la corruption, la violence et la haine ». Noboa devra terminer les 18 mois restants au mandat du président Lasso et espérer une réélection en faisant ses preuves, notamment dans les domaines de la sécurité et de l’économie. En effet, le pays est actuellement touché par une grave crise économique et les Équatoriens subissent de l’insécurité liée notamment à la hausse du narcotrafic depuis 2018. Les élections résultent d’une situation politique instable et se sont déroulées dans un climat de tensions et d’insécurité.


Mais alors, comment expliquer la tenue de ces élections ?


En mai 2023, le président en fonction Guillermo Lasso dissout le parlement. Visé par un procès en destitution pour corruption, le chef d’État a employé le prétexte de « grave crise politique » pour destituer l’Assemblée nationale, déclenchant ainsi des élections. Lasso, institué depuis mai 2021, avait été accusé par l’opposition — qui compose majoritairement le parlement - de « malversations dans le cadre d’un contrat public » et dont l’objet était le transport du pétrole brut. Il lui avait en fait été reproché de ne pas avoir mis un terme à un contrat pourtant préjudiciable à l’Équateur.

La décision politique a fait débat, d’une part quant à sa conformité avec la Constitution et le questionnement autour de sa légalité de manière générale, et d’autre part, vis-à-vis de la situation d’instabilité politique que cela a engendré. Des élections dans un contexte instable De fait, le processus d'élection a donc été initié dans un contexte national instable. L’Équateur connaît depuis les années 2000 une grave crise économique. La dévaluation de la monnaie équatorienne avait mené à la dollarisation de l’économie nationale. Sous le gouvernement de Rafael Correa, l’arrivée du socialisme à l’image du Venezuela et de Cuba, était à l’origine d’une instabilité socio-économique. Les écarts entre les classes sociales grandissaient, beaucoup de personnes ne travaillaient plus pour bénéficier des aides sociales et de nombreux Vénézuéliens, Haïtiens et Colombiens, ont émigré en Équateur pour travailler et fuir l’insécurité au sein de leur pays. Finalement, le pays a commencé à subir le commerce de drogues de ses voisins la Colombie et le Pérou devenant ainsi l’un des principaux axes de transfert des produits du trafic de drogue et d’humains. Ce faisant, l’Équateur fait face à une grave crise de sécurité publique. Entre 2018 et 2022, le taux d’homicides pour 100 000 habitants est passé de 5,9 à 25,5. La course à la présidence a été marquée par un drame qui a d’autant plus placé l’enjeu de la sécurité au cœur des argumentaires politiques : onze jours avant le premier scrutin du 20 août, le candidat du parti Construye, Fernando Villavicencio, a été tué par balle à la fin d’un rassemblement électoral à Quito. Le journaliste qui dénonçait et luttait contre la corruption était en deuxième position dans les intentions de vote. Il avait été menacé de mort par des narcotrafiquants et a été assassiné par des tueurs à gages. Fernando Villavicencio n’est pas le premier homme politique à être assassiné peu de temps avant les élections. Ces dernières n’ont d’ailleurs pas été reportées mais ont nécessité le déploiement de 100 000 militaires et policiers.


Quelles perspectives ?


Les votes de 82% de la population ont été collectés ; le vote étant obligatoire sous peine d’une amende de 45 dollars américains ce qui représente 10% du salaire moyen. À la lumière des pourcentages de soutien obtenus par les deux candidats, la population semble être divisée entre les propositions du candidat et élu libéral, Daniel Noboa (52,3%) et celles de la candidate socialiste, Luisa González (47,7%). Cela étant, c’est Daniel Noboa, élu à 35 ans et fils de l’entrepreneur le plus riche du pays, qui va devoir faire face à la crise dans laquelle l’Équateur est plongé. La réélection du Parlement dissous par le président Lasso ne jouera pas en sa faveur puisqu’il ne pourra compter que sur une petite alliance de droite opposée à Luisa Gonzáles. Noboa devra lutter contre la corruption et la violence sans réelle assise politique et dans un pays affaibli économiquement par la pandémie. Le vainqueur des élections anticipées compte prioriser l’éducation et l’emploi des jeunes ainsi que le redressement économique du pays : il n’hésitera pas à s’appuyer sur l’aide des Etats-Unis. Les Équatoriens, dont certains avaient été poussés à émigrer avec ou sans papiers,espèrent voir le coût de la vie diminuer et l’Équateur redevenir un pays sécuritaire.


Crédit photo : AFP


Sources :


www.france24.com/fr/amériques/20231015-équateur-les-électeurs-attendus-aux-urnes-pour-le-

second-tour-de-l-élection-présidentielle

Équateur : Guillermo Lasso visé par une procédure de destitution, il dissout le Parlement, France 24

https://www.ledevoir.com/monde/ameriques/791212/le-président-de-l-equateur-menace-de-

disteton-dissout-le-parlement?

heps://www.courrierinternational.com/article/démocratie-equateur-guillermo-lasso-tente-une-

man-uvre-radicale-et-dissout-l-assemblée

heps://www.courrierinternational.com/article/insécurité-en-equateur-les-ventes-d'équipements-

de-protection-explosent

heps://www.courrierinternational.com/article/politique-daniel-noboa-plus-jeune-président-

equateur-elu-pour-reconstruire-le-pays

heps://ici.radio-canada.ca/recit-numerique/6103/equateur-violence-crise-poliEque-narcotrafic

Houtart, F. (2016). L’Équateur : épuisement d’un modèle et crise mondiale. La Pensée, 387, 84- 96.

heps://doi.org/10.3917/lp.387.0084

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