Dépasser la distraction numérique pour réapprendre à penser
- Le Polémique
- 1 févr. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 nov. 2024

Par Pauline Mercenier
« Le but de la vie n’est pas le maintien du bien-être mais quelque renforcement, quelque raffinement de la conscience, quelque accroissement de savoir. »
Cette affirmation, c'est Huxley qui l’a écrite dans son livre : Le meilleur des mondes , paru en 1932. Cette affirmation, bien que rédigée il y a plus de 90 ans, fait toujours autant écho aujourd’hui.
Cette affirmation, je l’ai lue et relue encore, pour l’interpréter à ma façon.
Elle a tourné en boucle dans ma tête parce que je n’ai pas pu m’empêcher de la penser dans le contexte dans lequel nous vivons, et de m’en inspirer pour penser à l’avenir.
Dans son livre, Huxley nous parle du soma, une drogue annihilant toute sensation et toute émotion désagréable. Elle est distribuée aux individus afin de les maintenir dans un état de satisfaction constant et impose alors un contrôle dont il est difficile de se défaire. C’est grâce à elle que le régime en place est maintenu et que personne ne le conteste. Accompagnée d’un conditionnement dès la naissance chez les enfants, il en résulte une société composée de personnes passives et dociles qui n’ont aucunement conscience de leur participation dans l’engrenage. Le « meilleur des mondes » est totalitaire et pourtant, avec sa propagande solidement mise en place, personne ne le remet en question tant que le bien-être est maintenu.
Bien que nous ne soyons pas dans un État totalitaire semblable, il apparaît que nous subissions à notre insu les effets du soma depuis quelques années. Que ce soit dans un espace public ou chez soi, il nous est toujours possible de fuir la réalité au moindre tourment et de s’enfermer dans une bulle de confort qui nous préserve du monde extérieur. Cette bulle, elle est créée par nos appareils numériques, par nos téléphones, par la distraction que nous procurent les réseaux sociaux. « Scroller », « surfer », parfois des heures sur les réseaux sociaux est devenu le quotidien de milliers. Les grandes entreprises numériques volent notre attention et notre temps, les gardent d’une main de fer et prennent de plus en plus de place là où elles ne devraient pas. Combien de personnes fuit l’actualité qui est pourtant disponible à portée de main tous les jours ? Combien de personnes ne questionnent plus ce qu’elles voient dans le flux d’informations qui défile sur leur écran ?
Il semblerait parfois que nous ne maîtrisions plus la technologie que nous avons créée grâce à la science. Cependant, renier la science au nom d’innovations dangereuses voudrait dire basculer dans un « meilleur des mondes ». La science doit être utilisée pour garantir notre liberté et l’histoire doit être utilisée pour ne pas reproduire les erreurs du passé. Le savoir permet d’avoir une volonté propre et de faire des choix rationnels. L’histoire quant à elle, offre une autre façon de regarder le présent et d’aborder le futur. En revanche, tirer de la science et de l’histoire leurs vertus relève d’un apprentissage, d’une éducation. C’est pourquoi elle est fondamentale dans la construction de tout individu et peut avoir des conséquences dévastatrices lorsqu'elle est utilisée à mauvais escient. Il suffit de se pencher sur les dictatures actuelles pour voir comment, dès la naissance ,l’éducation peut conditionner toute une population à rester passive, notamment en Corée du Nord pour ne citer que la plus célèbre.
Passé un certain âge où l’enfant devient adulte, il est nécessaire de se construire une autonomie de pensée, d’apprendre à se remettre en question, de nourrir une curiosité, de s'instruire et de rester conscient de ce qui nous entoure. Nous sommes responsables du futur, et même si cela peut paraître anodin, reconnaître l’emprise que nos appareils ont sur nous est un pas en avant vers un esprit plus éveillé. Oui, il est facile de fuir nos problèmes. Oui, il est accablant, voire même épuisant de se pencher sur ce qu'il se passe dans le monde, et oui il semble que nous ne soyons pas concernés et impuissants face à l’immensité de la société. Mais nous ne savons pas de quoi est fait demain et comme le dit Huxley : “A forbidden price of freedom is eternal vigilance”.
(Le prix interdit de la liberté est la vigilance éternelle)
Crédit Photo : Les films en vrac