Par Erine Le Curieux-Belfond
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Le territoire français de Mayotte est menacé de voir une de ses garanties constitutionnelles lui être retirée par révision de la Constitution. Le ministre de l'Intérieur français, Gérald Darmanin, a exprimé, le 11 février dernier, la volonté de supprimer, uniquement pour le territoire de Mayotte, le pan de la Constitution qui garantit le droit du sol. Cette annonce s’inscrit dans une volonté d’amplifier les mesures qui permettront de réduire l’immigration, trop importante aux yeux de certains membres du gouvernement et de la population.
Le droit du sol dans la Constitution française
Le droit du sol est, jusqu’à présent, supposément garanti dans tous les départements par la Constitution française dans un souci de respecter le principe d’égalité qui l’institue. Lorsqu’un enfant né sur le territoire français d’au moins un parent né lui aussi sur le territoire, il bénéficie d’une attribution automatique de la nationalité qui découle du principe de « double droit du sol ». Mais le droit prévoit également qu’un enfant, cette fois-ci, né de parents étrangers, peut se voir attribuer la nationalité à sa majorité, et ce reposant sur le simple fait que l’enfant est né et a grandi sur le territoire français pendant au moins cinq ans. C’est ce deuxième aspect qui inquiète Gérald Darmanin, particulièrement sur le territoire de Mayotte où les garanties d’obtenir la nationalité par le droit du sol sont déjà dérogatoires, puisque l’obtention est conditionnée à la résidence sur le territoire en situation régulière d’un des deux parents avant la naissance pendant une durée d’au moins un an.
Un enjeu migratoire ?
Le droit du sol est, à Mayotte, un enjeu d’immigration, de conception de celle-ci et relève d’une politique de discours orientés vers en faveur ou contre une telle garantie constitutionnelle. Le département d’outre-mer est situé dans l’Océan Indien, entre l’île de Madagascar et le littoral du Mozambique. Mayotte connaît actuellement une forte croissance démographique, résultat d’une importante immigration depuis 2014. Les données sur l’immigration légale permettent de constater que depuis 2016, le nombre de demandes d’asile à quadruplé. La grande majorité des titres de séjours attribués sont possédés par des Comoriens, habitants de l'île voisine de Mayotte.
Quels sont les liens entre immigration et garantie du droit du sol ?
Les liens établis résultent d’un discours qui pousse à croire que de nombreuses étrangères, et notamment des Comoriennes, viennent accoucher sur le territoire mahorais pour assurer l’obtention de la nationalité française à leurs enfants. Être français aurait certainement des avantages dans certaines situations, mais à en croire les données sur les demandes de naturalisation, ceci n’est pas l’élément moteur des nombreuses vagues d’immigration survenue. En effet, le nombre de titres de séjour délivrés stagne depuis 2015 alors que le nombre d’immigrants augmente de manière exponentielle. Il semblerait que le facteur causant la migration de femmes durant leur grossesse vers Mayotte soit la défaillance de leur système de santé d’origine. Rejoindre l’idée de nationalité à la vague d’immigration en cours reviendrait à ne pas considérer à quel point le droit rend l’obtention difficile et longue ce qui ne fait pas de la nationalité française un objectif attractif. Les Comores, par exemple, sont un des pays les plus pauvres du monde, ce qui fait de Mayotte un territoire attractif dans plusieurs domaines. Une action de la part du gouvernement français avait été réclamée par une partie des citoyens qui s'opposent à cette importante immigration qui « accentuerait l’insécurité et les difficultés économiques de l’archipel ». Certains collectifs, salués par les partis de droite et d’extrême droite, encouragent le gouvernement à durcir les politiques migratoires à Mayotte.
Et par rapport à la Constitution ?
Dans une Constitution qui prévoit l’égalité comme élément fondateur, la suppression du droit du sol dans un seul département irait à l’encontre du principe d’unité et d’indivisibilité de la République ainsi que celui d’égalité devant la loi. Supprimer un droit inclus au sein d’une loi ordinaire serait désapprouvée par le Conseil constitutionnel. Pour cette raison, le gouvernement entend passer une révision de la Constitution. À l’image du projet de loi sur la Nouvelle-Calédonie, l’exécutif doit présenter son projet de loi avant que celui-ci ne soit voté par l’Assemblée nationale et le Sénat. Cette révision de la Constitution va nécessiter la formation d’alliances entre les partis politiques, dont une que l’on voit déjà émerger entre les partis de droite jusqu’à l’extrême droite pour qui ceci présente une avancée, mais devrait s’étendre à tout le territoire français.
La volonté du gouvernement d’inclure une nouvelle dérogation dans la Constitution sur le cas de l’accès à la nationalité française par le droit du sol témoigne d’une volonté par la partie droite de l’ensemble politique de remettre en cause des principes constitutionnels forts. Il s’agit dans ce cas de répondre aux demandes des Mahorais sans inclure leurs revendications dans des échanges de discours stigmatisant.
Crédit photo : AFP – CHAFION MADI
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