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Crise politique majeure au Royaume-Uni

Par Matthias Baptista



Photo: Express


Démission soudaine de Liz Truss et nomination de Rihsi Sunak


Le Royaume Uni a eu tout juste le temps de pleurer sa souveraine qu’une crise politique de très grande ampleur s’est emparée des instances du pouvoir. Comme si la mort de la Reine n’était pas assez symbolique, Liz Truss à peine élue à la tête du parti conservateur a dû démissionner après seulement 44 jours de mandat, ce qui constitue le plus petit mandat de l’histoire démocratique du Royaume-Uni. La nomination de Rishi Sunak comme premier chef du gouvernement originaire d’une ex-colonie britannique ne sonne pas pour autant comme une célébration.


Que s’est-il passé?


Il semble nécessaire de rappeler que le moment de la nomination de Liz Truss à la tête du gouvernement succède à un long cycle politique d’instabilité. Tout d’abord,il faut comprendre que la fin de mandat de Boris Johnson a laissé à la mandature de la première ministre un souci d’intégrité et de confiance envers le pouvoir politique. Alors que Boris Johnson a mené de façon clivante l’accord sur le Brexit et la gestion de la pandémie de Covid-19, celui-ci est mis en cause dans les derniers mois de son mandat pour avoir participé à plusieurs soirées illégales durant la période de pandémie au 10, Downing Street.


Boris Johnson est aussi accusé en juin dernier d’avoir été tenu au courant de plusieurs plaintes d’abus sexuels envers Chris Pincher, parlementaire à la trésorerie royale, plusieurs mois avant qu’il le nomme à son poste.


À la suite de la démission de 50 membres de son propre gouvernement, et face aux dernières polémiques, l’ancien premier ministre démissionne le 8 juillet 2022. C’est alors en pleine tension politique que les élections du parti conservateur s’opèrent pour désigner un nouveau chef de parti. Durant l’été, Rishi Sunak, ancien ministre des Finances, et Liz Truss, ancienne secrétaire d’État aux affaires étrangères sous Boris Johnson, sont nommés par les députés du parti conservateur pour se confronter aux 160 000 adhérents.



Avec 57,4% des voix, Liz Truss arrive à la tête du parti alors qu’elle n’arrive pas en tête dans le vote des députés conservateurs. Le 6 septembre, elle est tout de même nommée première ministre du Royaume-Uni. Pendant le temps de l’élection, l’inflation au Royaume Uni ne cesse d’augmenter jusqu’à atteindre un taux de plus de 10% en septembre, un taux jamais vu en 40 ans. Cette forte inflation donne lieu à de nombreuses grèves pour demander une action du gouvernement alors que le niveau de vie baisse chaque jour. Dès son arrivée, Liz Truss doit donc faire face à de fortes attentes politiques, économiques et sociales. Une seule décision fait sombrer son avenir politique: l’annonce par son ministre des finances d’un mini budget. Dans ce budget, les principales annonces sont la baisse d’impôt sur les hauts revenus, une diminution des contributions sociales et une baisse sur la taxe des transactions immobilières. Ce projet budgétaire, qui veut relancer la croissance, mène directement à un affolement des marchés.


À l’ouverture du 26 septembre, la monnaie britannique chute et le taux d’emprunt du Royaume-Uni grimpe irrémédiablement tandis que les experts ne voient pas de financements possibles à un tel projet. Alors que la banque d’Angleterre intervient pour empêcher une crise financière, la crise politique, elle, s'est scellée. Le parti conservateur est directement affaibli par cette décision et l’héritage du mandat de Boris Johnson n’aide pas: les sondages annoncent à ce moment que les travaillistes sont largement en tête dans les intentions de vote, ce qui fragilise d’autant plus la position de Liz Truss. Tandis qu’elle tente de garder le cap de son mandat, la première ministre est soumise à revenir sur l’imposition prévue et renonce à supprimer l’impôt sur les hauts revenus. Cependant, alors qu’elle n’a jamais été la favorite de son parti, des conspirations au sein des conservateurs s’opèrent. La crise ne désemplit pas, l’inflation aussi et le marché reste affaibli. Le 14 octobre, elle décide de remercier son ministre des Finances et le remplace par Jeremy Hunt, proche de la ligne pragmatique Johnson. Malgré ces différentes tentatives pour reprendre la main, Liz Truss n’arrive pas à redevenir maîtresse de la situation. Lorsque Jeremy Hunt annonce supprimer complètement le projet de budget, elle n’est pas suffisamment soutenue. Elle décide donc de quitter son poste.


Le 20 octobre, dans la crainte d’une récession et face à la contestation populaire, le parti conservateur agi rapidement en nommant celui ayant perdu face à Liz Truss: Rishi Sunak. Il est en fait le seul à recueillir 100 signatures dans le temps escompté pour se présenter au sein du parti après que Boris Johnson se soit retiré de la course.


Rishi Sunak n’est pas le choix des adhérents mais des députés. Il est officiellement intronisé le 25 octobre dernier. En plus d’un risque de représentativité, Rishi Sunak, âgé de 42 ans, représente aussi un risque d’acceptabilité par son profil. En effet, il provient d’une riche famille issue de la diaspora indienne et est un ancien banquier pour la banque d’investissement Goldman Sachs, ce qui l’a rendu millionnaire. Avec sa femme Akshata Murty, héritière d’un empire aux centaines de millions de dollars, son couple rassemble une plus grande fortune que le Roi Charles III. Sa femme, elle, a été accusée de fraude fiscale en ne se domiciliant pas au Royaume-Uni alors qu’il est à l’époque ministre des Finances.


D’un point de vue politique, il n’est pas considéré comme un homme de trop grande concession et d’instabilité. Malgré qu’il ait fait preuve de pragmatisme durant son mandat comme ministre des Finances lors de la pandémie, il opte habituellement pour un conservatisme budgétaire. Pro Brexit et complètement conservateur sur les questions générales, le Royaume-Uni peut s’attendre de la part de son nouveau leader à de fortes positions et une austérité marquée pour rassurer les marchés financiers, alors que la dette atteint 7,7 milliards de livres d'intérêt. Sa volonté de renouer avec l’investissement, elle, passera aussi par une baisse des impôts sur les revenus mais davantage sur le long terme, contrairement à Liz Truss. Il promet cependant de ne pas oublier les grands enjeux comme l’indépendance énergétique. Même si la nomination de Rishi Sunak sonne comme le retour au calme, la crise n’est pas et ne sera définitivement pas entérinée rapidement pour autant.


La situation économique reste alarmante. Rishi Sunak a dû composer avec un premier scandale. En effet, l'un de ses ministres et fidèle ami Gavin Williamson a été accusé d’harcèlement moral et a dû démissionner. Enfin, tandis que le parti conservateur est extrêmement affaibli, il reste à savoir si les efforts demandés par Rishi Sunak seront concédés par la population, alors même que l’on sait le premier ministre extrêmement privilégié. Il promet: « Il y a des décisions difficiles à prendre », mais « nous allons être justes sur la manière dont nous allons les aborder ».



Le budget présenté par son gouvernement le 17 novembre est en tout cas à l’opposé de celui du gouvernement Truss et cohérent avec les attentes des observateurs. Il comporte un ensemble de politiques marquées par l’austérité avec une baisse des dépenses d’États et une augmentation des impôts. La question est de savoir maintenant si cela sera suffisant pour rassurer les marchés tout en rassurant le peuple britannique alors que le débat public est toujours aussi tendu.

© 2021 Le Polémique

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