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La mer à boire en Uruguay

Par Alix Beaupre 


Depuis trois ans maintenant, l’Uruguay est confronté à une hausse des températures et à une profonde période de sécheresse. Dans ce pays d’Amérique latine, connu pour son littoral, la situation s’aggrave, obligeant le pays à déclarer l’état d’urgence. Ainsi, en juin dernier, les autorités uruguayennes ont pris une mesure drastique pour remédier à la pénurie d’eau douce : fournir à la population de l’eau salée traitée.

 

Cette décision est le fruit de nombreuses périodes de sécheresse sur le territoire. En effet, le pays a rencontré un déficit de précipitations au cours de ces trois dernières années, contraignant ainsi les autorités à surexploiter leurs réservoirs d’eau. Faute de pluie, le principal réservoir d’eau de Paso Severino, qui alimente la capitale de l’Uruguay, Montevideo, ainsi que sa région, est rempli à moins de 2 % de sa capacité. Les habitant-es ne sont pas les seul.e.s affecté.e.s par cette situation, la pénurie d’eau frappe également l’agriculture, l’industrie, et d’autres secteurs économiques importants.

 

C’est le 19 juin 2023 que le gouvernement uruguayen déclare l’état d’urgence sur les ressources hydriques pour garantir un accès continu à l’eau. Afin d’éviter que les robinets ne tarissent, la société publique des eaux : l’OSE (Obras Sanitarias del Estado) a décidé de mélanger les réserves d’eau restantes avec l’eau de l’embouchure de l’estuaire Rio de la Plata.

 

Outre le mauvais goût de cette eau, cette mesure présente également un risque sanitaire pour les habitant-es. Malgré les assurances du ministre de la Santé de l’Uruguay, selon lesquelles l’eau est sûre, les niveaux autorisés de chlorure et de sodium sont supérieurs à ceux recommandés par l’Organisation mondiale de la santé. De plus, les chercheurs ont également découvert que l’eau était toxique pour les plantes, les poissons et d’autres organismes. C’est ainsi toute l’agriculture qui est menacée.

 

En somme, cette situation déjà complexe a suscité une controverse parmi le public, après que Google a annoncé la construction de ses centres de données sur le terrain. De fait, pour les Uruguayen-nes, cela a été la goutte qui a fait déborder le vase, et pour cause, des millions de litres d’eau sont nécessaires chaque jour pour refroidir les futurs serveurs de la multinationale, tandis qu’à quelques kilomètres, les habitant-es n’ont pas accès à l’eau potable.

 

Cette annonce a provoqué la colère du peuple qui refuse de se soumettre à cette mesure gouvernementale. Bouteille au sol, les habitant-es sont sortis dehors pour manifester, en espérant que ce mouvement ne sera pas qu’une goutte d’eau dans l’océan. Outre le risque sanitaire, les Uruguayen-nes s’inquiètent pour leur portefeuille. En effet, les habitant.e.s de Montevideo se tournent vers de l’eau minérale, même pour cuisiner, et le coût est évident puisqu’une bouteille d’eau de 6,25 litres coûte 130 pesos, soit l’équivalent de 4,62 can$. Ainsi, Carmen Sosa, une membre de la Commission uruguayenne de défense de l’eau et de la vie, soutient qu’il y aurait environ 500 000 personnes qui ne seraient pas en mesure d’acheter de l’eau en bouteille, en sachant qu’il y a un peu moins de 3,5 millions d’habitant-es dans le pays. Ainsi, il y a environ 15 % de la population qui n’a pas les moyens financiers d’accéder à de l’eau minérale en bouteille.

De plus, les Uruguayen-nes protestent dans les rues pour dénoncer l’influence excessive du secteur privé dans le pays. En effet, on peut apercevoir sur la façade de l’OSE « Il n’y a pas de sécheresse, juste du pillage ». Les habitant.e.s ont utilisé cette expression pour imputer la responsabilité des problèmes d’eau à l’industrie agro-alimentaire, tout en accusant également le gouvernement de manque de prévoyance face à la situation. L’Uruguay se situe au-dessus de la nappe phréatique Guarani. Au fil du temps, cette nappe phréatique ne cesse de s’assécher, notamment à cause de l’exploitation du terrain par trois grandes industries qui utilisent l’eau. Ce bien, qui est considéré comme commun, est pourtant surexploité par l’industrie privée qui ne rencontre aucune restriction sur sa consommation d’eau. Ainsi, seulement « une infime partie de l’eau en Uruguay est utilisée pour la consommation humaine. La majeure partie est utilisée pour les grandes industries agroalimentaires, telles que le soja, le riz et la pulpe de bois » selon Daniel Pena, un chercheur à l’université de Montevideo.

 

Par conséquent, la situation actuelle en Uruguay est un signal d’alarme quant à la vulnérabilité du pays face à la sécheresse. Les phénomènes devraient s’intensifier en raison du changement climatique, ce qui peut nous laisser perplexes quant au devenir de la population uruguayenne.


Crédit Photo : AFP


Sources :

 

 

 

 

 

 

© 2021 Le Polémique

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