Par Justin Perreault
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Crédit photo : Sarah Grillo pour Axios
En vue des élections présidentielles de 2024, il est important de considérer ses répercussions sur la scène politique américaine, non seulement les conséquences évidentes d’un second mandat de Donald Trump, mais aussi les implications qu’aurait sa défaite sur son propre parti, le parti Républicain. Depuis les élections de 2016, Trump a réussi à transformer son parti réactionnaire, virulent, avec un penchant pour les théories de la conspiration, en ce qui est essentiellement un culte de la personnalité. C’est une transformation qui a eu lieu avec peu de difficultés, aidée par l’avarice de ses membres à retenir le pouvoir, au coût de la compromission de leurs valeurs, et par la naïveté de son électorat, qui absorbe tous ses propos sans les remettre en question, bien qu’ils soient rivés de mensonges et de faussetés. Mais le parti reste relativement solide, malgré certains départs, suivant aveuglément l’homme qui en est de facto à sa tête, répliquant sa rhétorique agressive et répétant ses mensonges. En considérant le parti Républicain tel qu’il se présente aujourd’hui, la sortie de Trump sera possiblement le catalyseur pour un changement majeur au sein du parti, possiblement sur le monde politique des États-Unis, et nous pouvons considérer trois alternatives pour l’avenir de ce qui était le parti de Lincoln.
Le parti de Trump sous de nouveaux personnages
La suite évidente pour le parti Républicain semblerait une continuation des fondements posés par Trump sous une nouvelle figure de proue, un nouveau chef partisan, qui maintiendrait les absurdités et la rhétorique de l’ennemi intérieur, une éventuelle preuve que le parti s’est transformé pour de bon et que ce n’était pas une phase propre à Trump. Cette possibilité est exemplifiée par l’arrivée des nouveaux politiciens au Congrès et au Sénat, notamment le président de la Chambre Mike Johnson et le sénateur de l’Ohio JD Vance, qui est aussi colistier de Trump pour les élections de 2024. Ces deux hommes démontrent énormément d’influence au sein du parti, malgré le fait qu’ils ont fait leurs débuts en politique nationale il n’y a même pas 10 ans, avec l’élection de Vance datant de 2022, et ne font que ce qui bénéficie Trump, ce qui contredit largement le fait que certains Républicains répudiaient Trump en 2016, avec Vance ayant déjà comparé Trump à Hitler. Les vétérans du parti Républicain s’éprouvent à être des lâches renonçant à leurs opinions antérieures, dans l’unique but de préserver leur pouvoir au sein du parti, et ayant perdu de vue la perspective structurée de l’ère de Reagan. Les nouveaux venus, eux, disent ce que Trump veut entendre, pensent ce qu’il veut qu’ils pensent, sans quoi ils n’ont pas la chance de franchir les élections primaires de quelconque élection, même s’ils se font passer pour des fous.
Les Républicains ne sont plus capables de maintenir une position, ne serait-ce que légèrement différente de celle de Trump, sous risque d’aliénation et d’expulsion, comme l’a vécu Liz Cheney en 2023. Si, en effet, le parti garde la perspective établie par Trump, la vision de contre-établissement pourrait très certainement prendre de l’ampleur sous la direction de JD Vance, qui semble avoir développé le même goût pour les mensonges que Trump. D’ailleurs, la sélection de JD Vance en tant que colistier n’a pas été faite pour ses compétences en politiques, ni pour son attrait auprès d’un groupe démographique en particulier, mais plutôt parce qu’il est loyal à Trump. Si le futur du parti Républicain repose réellement entre les mains de JD Vance et d’une cohorte loyale à Trump, non seulement, il ne verra pas de rupture avec ce qui est observable aujourd’hui, mais il est très possible que le parti se radicalise dans son entièreté, notamment par le remplacement des vieilles générations de politiciens Républicains par une nouvelle génération plus virulente, plus aberrante et plus dangereuse pour les États-Unis.
Une destruction du parti, ou la création d’un nouveau parti
Il est évident que le parti Républicain n’est plus le parti de Reagan, méthodique et réfléchi dans son conservatisme. Mais même si, dans son ensemble, il ne ressemble plus à ce qu’il était, certains vétérans en font encore partie et ont parfois une voix influente au sein de la législature, comme Mitch McConnell au Sénat. Néanmoins, ces vétérans, arrivés il y a au moins 20 ans, perdent de l’influence au fil du temps, leurs mandats touchant à leurs fins, leur âge étant trop avancé pour être ignoré, et se verront remplacés par des candidats qui représentent le mieux les valeurs inculquées par Trump. Or, il est fortement possible que, avec le départ de Trump du portrait du parti Républicain, ces nouveaux politiciens perdent leur crédibilité et perdent de vue la narrative qu’ils ont toujours suivi, pour laisser place à une plateforme qui ne peut pas être élue, simplement parce qu’elle ne sait plus où elle se tient sur les enjeux politiques.
Un parti au pouvoir devant nécessairement détenir une once de pouvoir ou d’influence pour assurer sa survie, le fait de perdre leur crédibilité, le fait de ne plus être capable de remporter des élections, est garant de la mort du parti Républicain. Cependant, la mort du parti signifie plus que la disparition d’un parti politique actif depuis 170 ans. Cela risque d’entraîner une profonde modification du fonctionnement politique américain, qui se fonde sur un système intensément bipartisan. La modification, pour que ses répercussions n’impactent que minimalement la politique, se manifesterait sous la forme d’un nouveau parti politique, sachant opposer le parti Démocrate dans un contexte électoral et faisant rupture avec la doctrine de Trump, qui aurait évidemment échoué si le parti Républicain mourrait réellement. Pour que ses répercussions n’impactent que minimalement la politique, la modification se manifesterait sous la forme d’un nouveau parti politique, sachant rivaliser avec le parti Démocrate dans un contexte électoral et faisant rupture avec la doctrine de Trump, qui aurait évidemment échoué si le parti Républicain mourait réellement.
Quant à sa formation, elle serait probablement entreprise par des anciens Républicains qui ont fait connaître leur animosité envers Trump, comme Liz Cheney, Adam Kinzinger, ou par des Républicains plus modérés, comme Mitt Romney ou Lisa Murkowski, mais il manque, pour la création de ce nouveau parti, une figure avec suffisamment de traction et de gravitas pour motiver d’autres politiciens et l’électorat. Ce nouveau parti, s’il venait à exister, devrait retourner à la modération, vers un conservatisme modéré, potentiellement à l’image du parti à l’époque de Reagan dans sa dynamique, tout en étant adapté aux enjeux modernes.
Le parti Républicain n’évolue plus d’une façon qui lui est bénéfique. Aujourd’hui haineux et enragé, demain, il pourra être un parti centré sur l’extrémisme et l’excès créé par Trump. Ses membres sont des lâches qui ne peuvent pas maintenir la position qui les a amenés au pouvoir il y a de cela 20 ans, et des insensés qui n’ont pas d’opinion, seulement celle que leur chef leur dit de prendre. Le parti de Lincoln, responsable de l’abolition de l’esclavage, est aujourd’hui un parti qui frôle le culte de la personnalité d’un homme impulsif et violent, et il ne pourra s’en sortir que s’il y a une purge de l’empreinte de Donald Trump de son histoire. Sinon, il risque de s’enfoncer plus que jamais, pour perdre de vue le bien du public américain, se tournant vers le maintien du pouvoir et de l’image de l’homme qui l’a métamorphosé.
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