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Amazon ferme ses entrepôts au Québec : retour sur un lourd passé antisyndical

Par Emma Soares


Crédit : le Journal de Montréal


En 2021, Amazon annonce un projet d’installations massives au Québec, cinq entrepôts et près de 1000 emplois sont créés dans la région avec un élargissement déjà prévu dans la foulée. Il y a quatre ans, le géant de la vente en ligne semblait miser gros sur la province. Pourtant, l’entreprise claque la porte et ferme ses sept entrepôts à travers le Québec en laissant près de 2000 employé.e.s au chômage. La nouvelle surprenante annoncée dans La Presse le 22 janvier 2025, arrive coïncidemment après la syndicalisation de son entrepôt de Laval en mai 2024. C’était le premier site d’Amazon à se syndicaliser dans le pays et le président du Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN) déplore cette mise à pied soudaine, déclarant son “indignation”, il dénonce des “représailles antisyndicales”. 


Amazon antisyndicale?


La multinationale américaine a un passé conflictuel avec les luttes syndicales. Elle s’était opposée à la syndicalisation de son entrepôt de Staten Island, en délégitimant l’intégrité du processus électoral ayant conduit à cette victoire historique. En 2020, un employé de l’entrepôt JFK8, Chris Smalls organise un “walk out” pour protester contre leurs conditions de travail. Il sera renvoyé le jour même, qualifié de “non intelligent et non articulé” dans un mémo confidentiel écrit par l’avocat de la compagnie. Le militant s’érigera en figure phare du mouvement syndicaliste à New York et à travers le pays. 


Amazon est accusée d’avoir mené des campagnes antisyndicales en organisant des réunions obligatoires, décourageant les employés de se syndicaliser. Ils auraient interdit l’accès aux locaux à des membres du mouvement et en auraient même renvoyé pour s’être impliqués. Malgré l’hostilité claire de la compagnie envers le mouvement syndical, Chris Smalls continue d’organiser des rassemblements et de mobiliser le personnel, au risque de se faire arrêter pour intrusion. Après des mois de militantisme, des campagnes de levées de fonds et un premier échec, les travailleu.res.ses de l’entrepôt votent oui à la syndicalisation et forment la Amazon Labor Union, une première aux États-Unis. 

Crédit : Andrea Renault / AFP


La CSN se mobilise


La soudaine fermeture de toutes les installations d’Amazon dans la province canadienne résonne avec leur élan antisyndical dénoncé depuis plusieurs années. 


L’entreprise réfute toute accusation de représailles et justifie la fermeture de ses installations dans le cadre d’une “révision récente de [ses] opérations au Québec”. Le deuxième plus grand employeur privé au monde préférerait retourner au système d’avant-pandémie, en faisant appel à des sous-traitants pour gérer les commandes dans la province. Si 1800 employés sont officiellement appelés à quitter leur poste, c’est près de 4500 travailleurs et travailleuses qui seraient mis à pied. On compte près de 2000 emplois permanents mais le syndicat dénonce le potentiel licenciement des employés de sous-traitant, représentant environ 2500 personnes en plus qui risqueraient d’être au chômage. Les membres de la CSN ont appelé à se battre contre cette décision et se sont mobilisés en occupant les locaux d’Intelcom. Cette compagnie est dans le viseur du mouvement, elle deviendra un des sous-traitants majeurs d’Amazon après la fermeture de ses entrepôts. La CSN dit vouloir “envoyer un message” au service de sous-traitant dont les conditions de travail seraient elles aussi “très mauvaises”. 

Après une victoire des employé.e.s de Laval pour de meilleures conditions de travail et un meilleur salaire, cette annonce vient clôturer tout espoir de transformer le milieu de la vente en ligne au Québec. Basé sur un modèle de tri et de livraison ultra rapide qui épuise ses travailleu.res.ses autant mentalement que physiquement, pour un salaire d’entrée de 20$ par heure. 


Le processus de fermeture est censé s’étendre jusqu’au 22 mars 2025, c’est donc avec stupeur qu’en se rendant à leur quart de travail habituel le vendredi 7 février, certains employés ont découvert que leur entrepôt était déjà fermé. Le président du syndicat de l’entrepôt DXT4, Félix Trudeau accuse Amazon de punir les travailleu.r.se.s syndicalisé.e. s : “nous voulons des conséquences” réclame le représentant de plus de 250 employé.e.s du géant américain.

Crédit : CSN


Des employés exploités


Les pratiques abusives d’Amazon sont au cœur des revendications des mouvements syndicaux : salaires trop bas, horaires étirés, rythme effréné, surveillance accrue, blessures fréquentes et stress. Ces conditions de travail, longuement dénoncées dans le milieu, ont fait l’objet de la convention collective de la CSN, entrée en négociation avec la compagnie en décembre 2024. La signature de cette convention serait vue comme une incitation aux autres entrepôts à faire de même. Un “point d’ancrage” qui ne fait pas plaisir à Amazon et qui pourrait bien avoir été un facteur déterminant dans sa décision de restreindre drastiquement ses liens avec la province. Une grande partie des salariés de ces entrepôts sont immigré.e.s, arrivés récemment au Québec i.e.ls parlent rarement l’anglais ni le français et sont peu au courant de leurs droits. Leur séjour chez Amazon est généralement court, les blessures sont très fréquentes et les employé.e.s décrivent un rythme de travail dangereux “ impossible de déplacer des charges lourdes en maintenant la cadence sans se blesser”. La direction les encouragerait à ne pas signaler leurs blessures aux autorités compétentes, au risque d’être renvoyé.e.s. Les conditions décrites représenteraient des manquements graves au Code du travail et la syndicalisation d’un premier entrepôt laissait entrevoir une opportunité de les améliorer, en valorisant les revendications des travailleu.rs.ses sur le terrain. Malgré le départ d’Amazon au Québec, les luttes syndicales continuent, se globalisant pour repousser les pratiques écrasantes d’une multinationale déjà plusieurs fois condamnée pour pratiques abusives et antisyndicales. 



Source :


Bongiorno, Joe. 2025. « Amazon commence à fermer ses entrepôts au Québec » La Presse.


Langlois, Marianne. 2025. « On va continuer à se battre » Amazon ferme quatre entrepôts au Québec ». Le Journal de Montréal.


Caillou, Annabelle. 2025. « Amazon ferme ses 7 entrepôts au Québec ». Le Devoir.


Hsu, Andrea, Alina Selyukh. 2022. « He was fired by Amazon 2 years ago. Now he’s the force behind the company’s first union ». NPR


Kiteme, Maria. 2025. « Amazon est partout, la résistance l’est tout-autant ! » Le Journal des Alternatives.





 

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